par Gérard Leclerc
Dans la galaxie intellectuelle d’aujourd’hui, Jean-Claude Michéa est un cas tout à fait à part. Héritier de ce qu’on appelle la tradition syndicaliste révolutionnaire, il se situe en opposition frontale avec la gauche qui se veut progressiste. Ses références peuvent étonner car, si sa proximité constante avec George Orwell s’entend du fait de la lucidité de l’auteur de 1984 à l’égard du phénomène totalitaire, son attachement résolu à la pensée de Karl Marx peut désorienter. Loin d’être, pour lui, le promoteur du système soviétique, l’auteur du Capital s’en serait violemment démarqué s’il avait connu l’URSS. Voilà qui peut surprendre, mais ceux qui ont lu, par ailleurs, les deux gros volumes que Michel Henry a consacrés à Marx savent qu’il existe une lecture de son œuvre très différente de l’interprétation qu’en firent Lénine et ses épigones – ce que rappelle aussi l’ouvrage récent de Marcello Musti sur « les dernières années de Marx » (Presses universitaires de France).
« Mon corps, mon choix… »
Mais ce qui importe avec Jean-Claude Michéa, c’est de saisir comment, fort de ses références, le philosophe est en mesure de nous donner une analyse serrée et sévère de la société telle qu’elle se développe, notamment à travers les aberrations du wokisme. C’est l’humanité qui se désintègre du fait d’un individualisme assez bien défini par le slogan lancé sous le quinquennat de François Hollande : « Mon corps, mon choix, mon droit ! » Tout est référé au caprice privé à l’encontre de ce qu’indiquait Aristote : « Quiconque, pour une raison ou une autre, soulignait-il dans sa Politique, vivrait sans famille, sans loi, sans foyer, se retrouverait par lui-même inévitablement doté d’un naturel belliqueux et violent. »
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