Le boulet
Oui, la vie politique française se complaît dans la médiocrité. Ainsi, c’est par une motion de rejet préalable réunissant toutes les oppositions, de l’extrême gauche à la droite nationale, qu’a été retoqué le texte sur l’immigration dont la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous la férule du progressiste Sacha Houlié, avait détricoté la version, pourtant timidement « durcie » qui était sortie des travaux du Sénat. Certes, le parcours du projet de loi défendu par Darmanin n’est pas terminé, à l’heure où nous écrivons : le texte peut être renvoyé au Sénat dans la version… du Sénat, ou faire directement l’objet d’une commission mixte paritaire (réunissant sept députés et sept sénateurs), toujours dans la version sénatoriale. Et alors ? Un sujet aussi important que celui de l’immigration est ainsi soumis aux aléas d’un processus politicien où les intérêts partisans, conjugués aux préjugés idéologiques, prennent le pas sur l’intérêt national.
Il n’en reste pas moins que le gouvernement en général, et Darmanin en particulier, sortent affaiblis de cette alliance momentanée de toutes les oppositions. Certes, Darmanin a présenté sa démission, mais Macron l’a refusée : on ne change pas un ministre qui perd sur tous les fronts ! Peut-être le chef de l’État a-t-il eu un reste de pudeur. Car avant d’être l’échec personnel de Darmanin, l’adoption de la motion de rejet préalable est l’échec de ce « en même temps » qui fait office de philosophie politique à Macron et que Darmanin n’a fait qu’appliquer avec une brutalité, un cynisme et un manque d’intelligence politique particuliers.
Les oppositions continuent toutefois de réclamer la démission du ministre de l’intérieur, voire, comme le RN, celle de Borne avec à la clé une dissolution de l’Assemblée nationale — Jordan Bardella l’a déclaré ce mardi matin sur RMC : il se verrait bien en premier ministre de cohabitation de Macron. C’est un fait : Darmanin est devenu un boulet pour le camp présidentiel et on se demande bien pourquoi Macron le conserve — le tiendrait-il de quelque façon ? La question pourrait se poser si nous étions complotistes, ce que nous ne sommes évidemment pas. Car la vérité est que le bilan du ministre de l’intérieur est archi-nul. Rarement un ministère aussi régalien aura été, et aussi longtemps, occupé par un ministre dont l’action aura été aussi vaine, à tel point que Darmanin a atteint là son niveau d’incompétence. Lui qui se voyait déjà en successeur de Macron, et qui, devenu plus réaliste, se rangerait bien maintenant derrière Edouard Philippe — un soutien dont l’ancien premier ministre ne souhaite peut-être pas bénéficier.
Son bilan en matière de sécurité est catastrophique, puisque tous les voyants sont au rouge. Ce qui l’a poussé, par manque de courage politique, à provoquer une crise diplomatique avec le Royaume-Uni, après avoir accusé injustement les supporters britanniques des multiples incidents du Stade de France en mai 2022, plutôt que de dénoncer la racaille des quartiers, qu’il est dans l’incapacité de mettre à la raison — déni de réalité qui n’est pas pour déplaire à une opposition de gauche dont le camp macronien aura de nouveau besoin en 2027.
Car diabolisé par la gauche, il n’en reste pas moins que c’est sur l’ordre de la (plus ou moins défunte) NUPES que Darmanin a commencé à harceler une ultra-droite imaginaire, facile bouc émissaire de ses multiples échecs dans la lutte contre l’islamisme radical, échecs qui traduisent surtout un manque de volonté évident — le « pas de vague » qui confine au ridicule : la non-expulsion de l’imam Hassan Iquioussen… ou au tragique : l’assassinat de Dominique Bernard puis d’un touriste allemand par des chances pour la France, ou celui du jeune Thomas par des racailles.
Mais pour Darmanin, le principal est d’établir des écrans de fumée, dans une politique liberticide là aussi demandée par la gauche. Comme toujours Darmanin s’exécute : Darmanin, c’est le grand dissolvant, comme s’il lui fallait sa com’ et sa cam’ quotidienne de dissolution.
Il y a aussi le harcèlement, et là, l’Action française, toujours à la demande de la gauche, a fait les frais — même si, jusqu’à présent, c’est l’Etat qui finit par payer — d’une attention particulièrement haineuse de la part de Darmanin. Certes, la justice administrative a protégé les libertés publiques en suspendant les différentes interdictions dont nous avons été l’objet, obligeant l’Etat à nous dédommager des frais de justice, mais la liste commence à devenir longue : le colloque et le défilé de la Jeanne en mai dernier, l’interdiction prise au dernier moment afin que nous ne puissions pas la contester d’honorer nos morts, à la dernière Toussaint, enfin la commémoration annuelle de la manifestation antinazie du 11 novembre 1940 au haut des Champs-Élysées.
Le pouvoir hait la liberté politique et s’il conserve le boulet Darmanin, c’est qu’il est devenu le bon petit soldat de l’instauration, en France, de ce que nous pourrions appeler une « démocratie illibérale » si à la fois nous croyions dans la démocratie (qui n’est jamais que le prête-nom de l’oligarchie) et étions des libéraux. Plus simplement, démophiles et défenseurs des libertés publiques, nous appelons les choses par leur nom : Darmanin tente d’instaurer en France, avant un échec prévisible de son camp et de ses amis de la gauche aux européennes en 2024 et à la présidentielle en 2027, un climat de terreur politique visant à priver les Français d’expression politique libre et franche. Nous nous opposerons à l’instauration d’une telle dictature.
François Marcilhac