Par Jeanne Estérelle
Soyons fiers de célébrer la mémoire des enfants, des femmes et des hommes fusillés, au Champ de Mars, du 18 au 20 décembre 1793 !
C’est à Toulon que l’onde révolutionnaire sort de l’émeute, le 23 mars 1789, alors qu’à l’initiative de Louis XVI la marine de la France rivalise victorieusement avec celle de l’Angleterre. Le 1er décembre, une deuxième émeute provoque l’incarcération de l’Amiral de Rion et l’émigration de nombreux officiers en Italie. En haine de toute légitimité, les clubs révolutionnaires se disputent la ville avec violence.
En mars 91, la Société des Jacobins impose un nouveau maire. Robespierre est déclaré citoyen d’honneur de Toulon. En juillet, un orateur du Club Saint Jean[1] inaugure par un discours féroce une « œuvre d’expiation ». Désormais, les « promenades civiques » n’aboutissent plus à pendre aux réverbères les contre-révolutionnaires mais à exécuter les révolutionnaires modérés. S’annonce ainsi, à Toulon, la chute des Girondins qui aura lieu, à Paris, en juin 93.
Mais, surprise, à Toulon, en juillet 93, un artisan bridier, Jean-Baptiste Roux, a le courage de s’opposer à la municipalité jacobine ! Il obtient la signature volontaire de deux cent vingt-huit toulonnais pour rouvrir les sections électorales. La Garde Nationale bascule du côté sectionnaire. Les révolutionnaires du Club Saint Jean se rendent et leurs effets sont brûlés…
A ce moment, Toulon innove ! Les royalistes débordent les sectionnaires ! Le 25 août 93, à l’Hôtel de Ville, les autorités politiques proclament Louis XVII Roi de France !
Comme les Montagnards essayent de reconquérir Marseille et Toulon par les armes, le Commandant Jean Honoré de Trogoff, girondin, ouvre la rade à mille trois cent soldats étrangers, pour bénéficier d’un renfort indispensable à la défense de la ville. Tandis que La Seyne et Saint Mandrier sont gardés par les contre-révolutionnaires, Toulon est encerclé par les troupes républicaines. A Ollioules, un jeune officier corse, nommé provisoirement Capitaine d’artillerie, préconise d’attaquer d’abord La Seyne. Intuition fatale ! La Seyne prise, Toulon tombe, après deux jours de combat, le 17 décembre. Une peur panique emporte la population. Plus de mille deux cents toulonnais parviennent à s’enfuir en rejoignant les bateaux espagnols ou italiens. Beaucoup sont tués par les boulets républicains. Beaucoup, aussi, se noient dans la rade plutôt que de tomber aux mains des sanguinaires. Les Anglais incendient l’Arsenal. Neuf bateaux sont détruits.
L’horreur s’abat sur la ville rebelle. Les maisons doivent être rasées. Le représentant Fréron, en trois jours, fait massacrer huit cent cinquante habitants, en raison de leur fidélité à l’Enfant emmuré au Temple. La Convention Nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète que « le nom de Toulon est supprimé ; cette commune portera désormais le nom de Port de la Montagne. » La Convention porte donc atteinte à la mémoire provençale.
Des fêtes sont organisées dans toute la France pour la reprise de Toulon dont la population est décimée : sept mille toulonnais sur vingt-cinq mille ont survécu à la Terreur. Jean Bon Saint André prend donc une décision ignoble : il appelle les révolutionnaires à remplacer la population éradiquée et à occuper les maisons vides.
Comme différentes phases de la Révolution ont été amorcées à Toulon, nous découvrons dans l’histoire de cette ville, la matrice du programme politique mis en œuvre par la République depuis cinquante ans:
- Après avoir étouffé la langue provençale au XIXème siècle, décréter le français « langue métisse et unifiée », favoriser l’écriture inclusive, c’est à dire éteindre la mémoire héréditaire.
- Livrer le patrimoine des Français au pillage et à l’incendie.
- Laisser libre cours aux assassinats de manière que la terreur asservisse encore les Français.
La République ne nous laisse pas d’autre honneur que de saluer la clairvoyance de ceux qui ont refusé de faire du passé table rase : Toulon, port de guerre du Levant, par la volonté de Louis XIV ! Méditons surtout que la foi des martyrs de Toulon a visiblement remporté la victoire : le bâtiment qu’ils achevèrent en 1788, institué de force Temple de la Raison et de l’Être Suprême, est aujourd’hui consacré à Saint Louis, conformément à leur projet !
Ayons la gloire de reprendre le dessein du Roi croisé !
[1] Club jacobin qui se réunit dans l’église Saint Jean désaffectée