par Julien de Monthémard
Pure émanation du chaos révolutionnaire, la guillotine en est devenue le véritable étendard. Un étendard sanglant compromettant singulièrement l’idéal initial et impulseur de la révolution, un idéal présenté comme l’incarnation de la justice populaire.
Conçue pour « mettre fin aux éxecutions inhumaines de l’Ancien Régime », elle ne permit que de les accelérer, de les systématiser et de les mécaniser à un rythme infernal, transformant ainsi la place publique en abattoir à ciel ouvert, où le bourgeois jouissait d’un droit supplémentaire, celui de vie et de mort sur ses semblables, et des petites gens. Ceux accusés de comploter contre la république naissante, les fidèles au Roi passèrent un à un, à la chaîne, sous le couperet tranchant de l’échafaud assoiffé.
Les exécutions y furent arbitraires, décidées unilatéralement par la caste dominante dramatiquement émancipée de toute morale et conception du droit naturel, affichant dès lors des ambitions fondatrices destructrices au profit de celle que nous appelerons, plus tard, la Gueuse.
L’un des divers drames de la révolution est l’institution d’un mode d’exécution mécanisé, tel que nous pourrions abattre une bête ; l’inhumanité ne réside pas en l’exécution elle-même mais bien en sa systématisation, sa « démocratisation » et, par conséquent, son caracètre quasi industriel. Le travail est propre, l’on s’en trouve rapidement débarassé et le spectable est garanti. Mais la guillotine est désormais un intermédiaire qui sépare le bourreau du condamé, une barrière à l’humanité ; cela aura pour conséquence l’éloignement physique de ce dernier qui ne tuera point directement l’individu, au même titre qu’un éloignement sentimental et émotionnel du fait de cette mécanisation, en opposition aux exécutions « artisanales » archaïques, où la pitié humaine est oubliée. Cet abandon de la pitié dans l’exécution-guillotine est la conséquence même de sa mécanisation ; on ne peut désormais croiser le regard du condamné, dont le sort ne dépendra plus que d’une goupille lâchée et d’une poulie enclenchée. Ainsi, l’éxécution résulte d’un mécanisme et d’une automatisation déshumanisant cette pratique et, par conséquent, facilisant son recours en la normalisant. L’abandon de la pitié marque le délaissement de la morale chrétienne dans l’exécution ; la guillotine est un mode d’exécution laïcisé, où la froideur du reniement de la foi ne conduit qu’à la barbarie systématique.
En cela, une synthèse de la lâcheté révolutionnaire est dévoilée : exécution des opposants, déshumanisation et industrialisation de la peine capitale, menant ainsi à la méconnaissance de tout humanisme et à l’abandon de toute responsabilité au regard de Dieu, et de ses pairs.
La guillotine perpétrait comme un outil de censure totale ; la parole était coupée en même temps que l’attribut par lequel elle était formulée. Pour autant, l’esprit de la guillotine perdure encore aujourd’hui dans l’insconscient collectif, où elle réprimande les comportements conservateurs, pouvant heurter l’orgeuil du régime si durement installé. L’ombre de la guillotine plane toujours sur le peuple de France, ayant sans cesse peur d’être accusé de fomenter un complot contre une quelconque autorité du pays légal dès qu’il ose
questionner « les valeurs de la république ».
La guillotine reste également le symbole de l’anti-royalisme. La décapitation de Louis XVI fut un choc si profond dans notre histoire qu’elle installa une certaine pudeur – voire une gêne – à l’égard de la restauration monarchique, bien que celle-ci eut lieu, une courte et agitée période. La république souhaitait faire vivre – jusqu’à l’abolissement de la peine de mort en 1981 – en la guillotine ce sentiment de toute puissance face à la monarchie sur laquelle elle a diaboliquement triomphé.
Elle fait perdurer sa victoire, le fait qu’elle ait vaincu le Roi, et a marqué selon elle la fin d’un « ancien » régime, de par une prétendue caducité de sa politique dont elle se tait à démontrer l’inneffectivité.
La république, de sa première forme jusqu’à la cinquième, souhaitait maintenir son autorité par la pratique-guillotine héritée du despotisme jacobiniste et robespierriste. Il en revêt indéniablement une certaine culture républicaine de la guillotine, chacune d’entre elles ayant pratiqué la décapitation par le titillement de la goupille. La culture de la tête coupée nettement est donc une constante du régime, un culte, à croire même, un élément constitutif de sa nature intrinsèque.