Christian Franchet d’Esperey
L’actualité multiplie les occasions d’observer les situations pour les analyser à la manière de Bainville. On l’a dit cent fois ici même, cette « manière » ne s’apparente pas à une baguette magique faisant surgir à tout coup la solution-miracle. Ni à une boule de cristal perçant les brumes de l’avenir. Ni, moins encore, à une bible ex cathedra qui permettrait d’appliquer aux réalités d’aujourd’hui les recettes bonnes pour hier.
Recopier Bainville n’a strictement aucun sens. Il s’agit avant tout de se défaire de tous les préjugés et partis pris, de ne considérer que les faits avérés, et de les resituer dans leur contexte historique, géographique, culturel, économique et politique tel qu’on peut le connaître. En deux mots, il s’agit d’exercer ce que le Maître de Martigues appelait l’intelligence critique. Contrairement à ce qu’on pense souvent, ce n’est peut-être pas dans les Conséquences politiques de la paix – certes, chef-d’œuvre de sagacité, mais « inspiré par les circonstances » dira Maurras – que l’on puisera au mieux les ingrédients essentiels de la « méthode Bainville ».
On les trouvera bien mieux encore dans Bismarck et la France, dans Histoire de deux peuples, dans l’Histoire de France aussi, et surtout dans l’indépassable Napoléon. Dans le numéro précédent de la Nouvelle Revue Universelle n°73, nous avons tenté de jeter un regard bainvillien sur la guerre d’Ukraine. Quel étonnement d’avoir vu cette tentative qualifiée de « poutinophile » ! Poutinophile, poutinophobe, voilà des sentiments totalement étrangers à toute démarche bainvillienne… Comment peut-on être à ce point aveugle ?