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Quelle « Europe » souhaitable ?

Dans quelques jours auront lieu les élections européennes, et il semble bien qu’elles ne motivent guère nos compatriotes, ce qu’il faut sans doute regretter : non que les circonvolutions de la Construction européenne soient particulièrement passionnantes, mais les enjeux de ce processus sont absolument majeurs, et il importe de ne pas se retirer dans un Aventin qui ne serait rien d’autre qu’une démission de l’histoire à laquelle nous appartenons et qu’il nous appartient, dans le même temps, de faire pour éviter qu’elle nous défasse.

Cet intérêt pour la question européenne ne signifie pas que cette Construction nous satisfasse, loin de là : imparfaite, elle est surtout viciée dès ses origines, celles des projets de Monnet et de Schuman, éminemment atlantistes et confusionnistes. L’argument des « pères fondateurs » (emprunt au vocabulaire de l’histoire des États-Unis) se voulait imparable : il fallait sortir du cycle infernal des guerres que le siècle des nationalités (issu de la Révolution française mais aussi des Lumières) avait enclenché, sans doute dès 1792, et la Construction européenne se voulait, ou se proclamait pacifiste, répétant à l’envi « l’Europe c’est la paix ! », alors que, en vérité, c’est plutôt la paix armée issue de 1945 qui a fait cette Europe-là. Il s’agissait de faire front à Staline et à ses successeurs qui, disait-on (avec quelques bonnes raisons, d’ailleurs), envisageaient d’asservir toute l’Eurasie aux principes de la dictature du prolétariat souhaitée par Marx et pratiquée, rudement, par Lénine et ses compagnons bolcheviques dès 1917 : la Chine, immense Etat voisin de la Russie, était devenue elle-même communiste sous la férule de Mao quand toute (ou presque) l’Europe centrale et orientale vivait à l’heure de Moscou. Les Etats-Unis voyaient alors dans cette Construction européenne un moyen de faciliter leur propre domination sur l’Ancien monde et de le rattacher aux principes d’une Société de consommation qui était désormais, au-delà même de la politique, leur idéologie, à la fois franklinienne (« Le temps, c’est de l’argent ») et fordienne (« Faire consommer de plus en plus pour produire de plus en plus, et gagner plus et plus – du moins pour les investisseurs et entrepreneurs – », en somme), renforcée par le disneysianisme, que Philippe Muray évoquerait, dans les années 1990-2000, sous le nom de « société distractionnaire »…

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