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La loi sur la fin de vie, une rupture anthropologique

Par Gérard Leclerc

« Les soins palliatifs authentiques sont radicalement différents de l’euthanasie, qui n’est jamais source d’espérance ni une authentique préoccupation pour les malades et les mourants ».C’est en ces termes que le pape s’adressait récemment aux participants d’un symposium international sur les soins palliatifs. Ce symposium, intitulé significativement « Vers un récit d’espérance », rejoint tout à fait nos préoccupations concernant le projet de loi sur la fin de vie dont la discussion est engagée à l’Assemblée nationale. Il n’est nullement fortuit que le langage de l’Église – celui qui se fait aussi entendre des évêques – rejoigne le récit des soignants qui sont en charge des personnes en fin de vie. Le commandement biblique impératif « tu ne tueras pas » n’intervient pas comme brutalement à l’encontre du soin des malades. Bien au contraire, il renvoie à l’attention aimante de ceux que l’on n’abandonne pas et que l’on ne soustrait pas à la vie par un acte d’extrême violence, qu’on le veuille ou pas. L’amour du semblable oblige à lui épargner ce geste qui le retranche volontairement de la communion des vivants.

C’est bien ce qu’expliquent les soignants, dans leur langage à eux. Si les soins palliatifs sont apparus, c’est précisément pour surmonter la tentation de l’euthanasie. Ainsi, Claire Fourcade, qui préside la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, a manifesté son opposition totale au projet de loi gouvernemental, en raison de son expérience personnelle qui rejoint celle de tous ses collègues. La perspective de donner la mort modifie complètement le regard de ceux qui accompagnent les malades en fin de vie. La possibilité de la transgression, sa permission même, change la philosophie de l’existence. Et cela entraîne une véritable contagion, celle que l’on enregistre dans un pays comme le Canada à une vitesse impressionnante.

Le gouvernement peut certes se targuer de l’appui massif de l’opinion publique à l’euthanasie, telle qu’elle apparaît dans les sondages, mais cette opinion est-elle vraiment éclairée ? Il est impressionnant de la confronter à l’avis des soignants qui,au nombre de 800 000, ont manifesté leur opposition. Leur pratique quotidienne leur permet de parler en connaissance de cause : « Quant à la réponse à donner à quelqu’un qui exprime le désir de mourir, je suis frappée par l’utilisation du mot ‘fraternité’ dans ces débats. Dire à quelqu’un ‘si vous voulez mourir, nous vous aiderons’ est pour moi à l’opposé de la fraternité. Ce message est crucial, car même dans les derniers instants, il est essentiel de nous fier sur les autres ».

Contrairement à ce que prétend la ministre Catherine Vautrin, il s’agit bien, avec sa loi, d’une rupture anthropologique, qui conduit la société à une mentalité suicidaire. C’est ce qu’affirmait le cardinal François Bustillo dans Le Figaro du 17 mai : « Une mentalité thanatophile redoutable dévore insidieusement nos esprits ». Une mentalité régressive qui va à l’encontre des progrès réalisés ces dernières années. Comme le dit Michel Houellebecq dans le JDD du 26 mai : « Le vrai sens de l’histoire, c’est de voter contre cette loi. L’euthanasie est une solution du passé ».