Par Adègne Nova
Dans le n°24 de L’Action française du dimanche paru dimanche 15 juin 1924, mention est faite par Jules Davost d’une condition nécessaire de la production agricole :
« Le cultivateur sait que le blé qu’il sème ne sera récolté engrangé, vendu que l’année suivante, que le bétail qu’il élève ne pourra être livré à la boucherie avant plusieurs années. Il faut donc qu’il puisse compter sur l’avenir, la sécurité du lendemain lui est nécessaire. Cette sécurité l’avons-nous aujourd’hui ? Il suffit de prêter l’oreille aux conversations qui s’échangent pour être fixé à ce sujet. L’inquiétude est générale. (…)
Les hommes qui accèdent au pouvoir (…) ont un programme connu. Il a été publié dans tous leurs journaux et affiché sur tous les murs. Ce programme comporte l’augmentation du traitement des fonctionnaires (…), l’accroissement de dépenses qui en résultera ne sera pas compensé par des recettes correspondantes car on a promis de diminuer les impôts. Pas tous les impôts cependant, il en est un que l’on se propose d’établir et sur lequel on compte beaucoup : l’impôt sur le capital.
À ce sujet, il n’est pas inutile de faire observer que l’impôt sur le capital existe déjà. Sous le nom de droit de succession l’État prélève au décès de tous les contribuables une portion de leur héritage. Ce prélèvement a toujours été en augmentant ; on peut dire qu’aujourd’hui il équivaut dans bien des cas à une confiscation et entraîne l’aliénation forcée des biens. Cette mainmise sur le patrimoine familial est une des causes de la dépopulation. Cela est si bien reconnu que nous avons vu récemment un pays voisin, l’Italie, supprimer les taxes successorales comme contraires au développement de la famille.
(…) en France où la propriété est plus divisée que dans aucun autre pays, il y a peu de grands propriétaires fonciers. Si le nouvel impôt n’est payé que par les grands propriétaires il produira peu. Si on l’étend à tous les propriétaires, il frappera les trois quarts des paysans qui possèdent plus ou moins de la terre. Alors le mécontentement sera tel que les hommes qui occuperont le pouvoir seront contraints de reculer. Pour faire face à la marée montante des dépenses, il ne leur restera que la fabrication sans cesse accrue de la monnaie de papier dont la leur tombera au cours des assignats pendant la Révolution.
(…) aujourd’hui (…) au lieu et place de nos pièces de bon loi nous avons des jetons sonnant faux.
(…) On nous dit qu’il faut accroître notre production. Cela n’est possible que si nous pouvons travailler en toute sécurité, si nous avons l’assurance de ne pas être dépouillé de notre avoir. Cette assurance nous ne l’avons pas. Un pouvoir fort, une autorité placée au-dessus des partis pourraient seuls nous la donner.
La cause de tout le mal, il faut le dire et le redire, ce sont les principes de la Révolution, les faux dogmes de 1789. Ces erreurs meurtrières conduisent infailliblement le pays qui les adopte à la ruine et à la mort. Elles ont valu à la France cinq invasions et d’effroyables hécatombes. Il n’est que temps d’y renoncer. »
Plusieurs éléments sont à retenir de cet article. Notons que les paysans, en ce premier quart de XXe siècle, n’étaient pas sereins quant à l’avenir de leur profession. Leurs remarques d’alors résonnent avec les actions menées par les agriculteurs en début d’année 2024 aux péages autoroutiers, dans les supermarchés, devant les préfectures et un peu plus tard au Salon de l’agriculture, faisant entendre leur cri de douleur et de désespoir face à des normes, des charges et des contraintes toujours plus considérables, enfermés qu’ils sont dans le carcan républicain, et plus…
Ah si seulement la méthode de l’empirisme organisateur venait au secours de ces peuples de la terre qui se soulèvent… en lieu et place des décrets et directives nés dans l’esprit de technocrates gris toujours plus nombreux et idéologisés. Ajoutons à ces tracas, pour ne pas dire davantage, purement liés à l’exercice de l’activité agricole, les problèmes de succession qui, depuis les propos de Davost, ne se sont en rien amoindris : les fermes se vident de leurs habitants pour laisser le champ libre aux nouveaux ruraux (et aux infrastructures qu’ils réclament inévitablement… bétonisation nous voilà !!!) qui ne connaissent pas la campagne qu’ils viennent investir. Et si l’on prend la peine de lire entre les lignes, bien d’autres points abordés dans cet article de 1924 trouvent un écho singulier avec la situation actuelle du monde paysan.
Ensuite, ce texte met clairement en lumière le fait que le régime républicain conduit, chaque jour davantage puisque la situation ne cesse de s’aggraver depuis 1789, à la prolétarisation, à la précarisation et à la pauvreté d’un plus grand nombre ainsi que l’a démontré Jean-Philippe Chauvin lors de sa série de conférences données à Aix-en-Provence en février dernier. Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir que notre pays est en butte à une profonde crise – sociale, économique, institutionnelle, etc. – la preuve en est le nombre de constitutions qui ont régi la France depuis l’instauration de la Ire République, les dirigeants actuels étant tentés d’abandonner toujours plus de leurs prérogatives à l’UE. À la suite du comte de Paris, demandons-nous si « ces institutions sans cesse refaites, remodelées, nous permettront-elles de relever les défis auxquels nous devons faire face – défis politique, économique, social, environnemental ? Est-ce qu’elles garantissent à la France la stabilité nécessaire pour conduire une politique conforme à ses intérêts ? » (Jean de France, Un prince français, Pygmalion, 2009).
Aujourd’hui, les Français sont de plus en plus nombreux à se poser des questions sur le régime qui gouverne leur vie. Et c’est tout naturellement qu’ils vont être amenés à réfléchir « aux avantages de la monarchie, qui vise à garantir l’indépendance, la stabilité et l’équité du pouvoir suprême » (Jean de France, op.cit.). L’avantage premier de la monarchie tient au fait que « le roi, contrairement au président, n’est pas soumis à l’élection. Et c’est bien ce qui change tout. Un prince ne gouverne pas au ‘doigt mouillé’, en fonction des sondages comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Il n’a pas besoin de gagner les faveurs des uns ou des autres pour s’assurer une place » (Jean de France, op.cit.).
Cet article retrouvé de Jules Davost amène ses lecteurs à comprendre que le temps passe sans produire aucun effet en termes de bien commun ; en conservant ce régime républicain qui lie le pouvoir à l’opinion publique, l’État fait de la pédagogie pour s’assurer les bulletins nécessaires au remplissage des urnes aux prochaines élections. Alors, parce que « ce que le prince aura de cœur et d’âme se confondra psychologiquement avec l’exercice moral de ses devoirs d’État (…) la solution monarchiste satisfait à tous les besoins du pays » (Charles Maurras).
Bidouiller, modifier, dissoudre, wokiser, rajeunir, féminiser, etc. c’est toujours demeurer en république… les constats sont les mêmes depuis des décennies, depuis des siècles même. Le modèle qui a fait ses preuves durant près de 1000 ans est désormais appelé à grands cris, c’est une question de survie !