Parce que les facteurs de cohésion dans un mouvement politique sont peu nombreux, il faut prendre un soin particulier à renforcer ce qui, en lui, est fédérateur :
• Il faut tout d’abord connaître, afin de les mieux comprendre, les principales motivations qui soutiennent l’attachement à l’AF de ses membres. Ces motivations sont diverses mais parmi elles nous pouvons citer : la curiosité intellectuelle et la satisfaction d’avoir raison, l’engagement pour des combats partiels menés par l’AF, le dévouement à une œuvre pour faire son salut au sens religieux ou au sens humaniste du terme, l’hostilité instinctive à tous les groupes de pression qui attaquent la communauté nationale.
• Un problème permanent est posé par la tentation très classique du « réformisme » pour tous ceux qui sont fortement motivés par leur souci de promotion professionnelle et sociale. Ce serait une mauvaise parade que d’ignorer le problème et de laisser à la sélection naturelle le soin de garder les plus « généreux » en abandonnant les plus « ambitieux » (souvent des hommes d’action) qui nous quitteraient sur la pointe des pieds en devenant des « crypto-maurrassiens » puis des « ex-maurrassiens ».
Dans ce domaine il nous faut quand cela est possible associer les intérêts et les ambitions individuelles légitimes à nos tâches politiques. En particulier, il nous faut faciliter l’insertion des militants dans les milieux sociaux et institutionnels choisis, les y suivre et les y aider pour que les liens qui les attachent au mouvement restent solides. C’est tout l’intérêt de notre Réseau Colbert. Enfin, il faut surtout transformer la « soif d’agir » des hommes d’action en une grande ambition collective par l’identification, non seulement à la communauté française, mais aussi à une organisation crédible.
• Pour être crédibles auprès des hommes d’action, l’AF ne doit pas se contenter de présenter la justesse de ses raisons, ce qui, à la rigueur, peut suffire aux purs spéculatifs, mais encore montrer une voie praticable et possible qui conduise à notre objectif final. La réflexion stratégique ne doit donc pas être le secret jalousement colporté entre initiés, mais un vaste sujet d’étude collectif abordé ouvertement à tous les échelons du mouvement. Il faut donc donner un contenu à la « volonté de puissance » des plus actifs et les convaincre de miser leur vie sur les chances de la monarchie, à condition de démontrer que ces chances existent réellement. D’où l’intérêt pour le mouvement de disposer d’une cellule d’études stratégiques afin de poser de façon réaliste le problème des moyens, de manifester au moins clairement l’intention de le faire, pour transformer l’intérêt que nos idées suscitent en force agissante.
Et mieux que toute proclamation d’autosatisfaction, ce sont nos capacités d’autocritiques et de corrections qui doivent plaider pour notre crédibilité. Mais, par ailleurs, il ne s’agit pas de laisser la stratégie à l’état de réflexion, le débat doit aboutir sur des décisions qui pourront fédérer les énergies.
Plus nos moyens sont faibles, moins nous pouvons nous permettre le luxe du saupoudrage ; c’est la fonction d’une stratégie de polariser les efforts sur des objectifs accessibles. Reconnaître la nature volontariste d’un mouvement politique, c’est savoir nourrir cette volonté du « doping » des petites victoires tactiques.
Si ces victoires ne sont pas d’une pratique quasi quotidienne, les « hommes d’action » trouveront ailleurs de quoi étancher leur soif de succès. Sans ces prises de pouvoir intermédiaires, le succès final devient une phraséologie à laquelle plus personne ne saurait croire.
(Illustration : Victoire inspirée de Samothrace)