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« Cette affaire-là pourrait bien être envoyée par les dieux », Antigone, Sophocle, Ve siècle av. J.-C.

Par Morgan Cordier

Le droit naturel est une notion assez difficile à percevoir de nos jours pour les non-juristes et non-philosophes du fait de son effacement depuis la Révolution française et l’institutionnalisation du droit positif.

L’origine de la formulation du droit naturel, selon le professeur Philippe Pichot-Bravard, se retrouve dans la pièce de théâtre Antigone de Sophocle, soit en 441 avant J.-C. L’héroïne s’oppose à la loi du tyran, qui est l’expression de la volonté (individuelle ici, mais qui pourrait être assimilée à la volonté générale selon la légitimité du régime considéré), pour respecter la loi des dieux, ou de la nature, en enterrant son frère, accusé de traîtrise avec l’étranger pour faire valoir son droit, légal, à l’exercice du pouvoir, Créon interdisant qu’on l’ensevelisse après son exécution.

Illustration poétique de l’opposition du droit naturel au droit positif issu de la volonté. Socrate, Cicéron, puis le Christianisme ont défini le droit naturel comme l’application de la « droite raison » (Cicéron). Le droit naturel exprime la nature de l’être, qui vise à sa conservation et à la justice, alors que le droit positif (Le contrat social de Rousseau, les Droits de l’homme) se définit par son origine, la volonté. Le droit naturel est universel, que l’on retrouve dans d’autres cultures comme en Asie, alors que le droit positif n’est que le fruit de la volonté, de l’opinion, qui devient donc variable, relatif et se détache de l’Être. Il se détache du vrai et du bien qui est l’accomplissement de la nature et de notre propre nature comme développé dans la philosophie stoïcienne. Il paraît donc être de mauvaise foi ou de manquer de recul de nier la filiation du wokisme qui détruit l’universalisme, le vrai, pas l’idéologie niaise nivélatrice, et l’esprit des Lumières consacré par la révolution de 1789. La lutte des droits positif/naturel est une lutte ontologique de nos sociétés depuis des siècles.

C’est la conception d’une réalité existante face au relativisme qui rétrécie la vue de l’humanité à la distance minimaliste qui ne dépasse pas ce qu’il est capable de voir, qui réduit le réel au bout de son nez. Les révolutionnaires nient pratiquer la tabula rasa, en évoquant des références historiques antiques, tout particulièrement la république romaine, et évacuent par conséquent l’époque médiévale (effaçant ainsi 1000 ans d’histoire et de progrès pour en arriver à ce que nous sommes).

Mais en tenant au droit positif, ils renient Cicéron, Aristote, Socrate et Sophocle !

(Illustration : « Atlas Farnèse », Musée archéologique national, Naples, par NC)