En nommant, après soixante jours de tergiversations et de faux-fuyants, Premier ministre le LR Michel Barnier, soixante-treize ans (le plus vieux Premier ministre de la Ve République succédant à Attal, le plus jeune…), Emmanuel Macron aura surtout montré une nouvelle fois son incapacité à être l’homme de la nation : certes, en le nommant, il espère neutraliser le petit groupe parlementaire qu’est devenue la droite dite républicaine, mais c’est en se mettant sous les fourches caudines du RN. C’est, évidemment, avant tout à Bruxelles que Macron cherche à complaire. Barnier, qui a été plusieurs fois ministre, n’est pas seulement un « Européen » convaincu : c’est surtout l’homme qui n’a d’autant plus jamais dit non à Bruxelles qu’il a été par deux fois commissaire européen (à la politique régionale et de cohésion, puis au marché intérieur). Il a également été chargé de la réforme des institutions et de la Convention européenne sur l’avenir de l’Union, débouchant sur le « traité constitutionnel » repoussé par les Français en 2005 mais avalisé par le Parlement en 2008 (traité de Lisbonne).
Lors de l’élection présidentielle de 2002, Barnier, dans une tribune à l’époque retentissante au quotidien Libération (« Le grand secret ») avait signifié la fin de la dimension régalienne de la fonction de président de la République française au profit de la gouvernance européenne. Naviguant durant toute sa carrière politique entre Paris et Bruxelles, Barnier sera évidemment l’homme de toutes les démissions face au Moloch européen, à moins de prendre au sérieux ses palinodies de 2022 notamment sur l’immigration. Macron ne pouvait en tout cas rêver mieux, d’autant que l’absence totale de charisme du personnage ne lui fera pas ombrage. Il convient d’attendre désormais la nomination du gouvernement pour mesurer la détermination de Macron à prendre le chemin de la supranationalité pour régler les problèmes que lui pose la politique française.