Par Nadège Cordier
Et si le propre de Kafka était… le rire !
Kafka, kafkaïen, résonnent de manière cafardeuse pour la très mal initiée que je suis de l’œuvre de cet écrivain que j’ai découvert dans mon adolescence en lisant La métamorphose et sa drôle histoire d’insecte. Mais, interpelée par un film finalement assez médiocre malgré la présence de l’un de mes acteurs fétiches, L’Heure de la sortie, dans lequel le nom de Kafka est subrepticement prononcé, et poussée par la curiosité, de nombreuses années plus tard et certainement au juste moment, j’ai voulu découvrir Le Procès.
Avant de me plonger dans ce qui me paraissait être une aventure aberrante (la 4e de couverture de l’édition Flammarion indique : « Un matin, au réveil, alors qu’il n’est coupable d’aucun crime, Joseph K. est accusé et arrêté. Arrêté mais laissé entièrement libre. Accusé, mais sans savoir ni de quoi ni par qui »… je me demande même si l’adjectif que j’emploie ici est suffisant…, ne vaudrait-il pas mieux recourir à absurde ?), j’ai voulu capter dans sa biographie ce qui me permettrait de mieux accrocher au récit que lors de mon premier contact avec Franz Kafka.
Je ne voulais pas louper ce deuxième rendez-vous. Et j’y ai trouvé une réflexion qui m’a donné la clef de lecture : le rire. En effet, Kafka riait en lisant ses écrits à ses amis ! Oui, on peut rire, sourire, railler, ricaner… en lisant Le Procès. Joseph K., le personnage principal, est emporté par la folie des hommes, mais il y a la place pour l’amusement, tant qu’on n’est pas arrivé au bout. Que Monsieur K. gesticule comme un clown quand il raconte à Mademoiselle Bürstner son arrestation, qui n’en est pas une, qu’il abandonne une lugubre entrevue avec son avocat et son oncle austère pour aller tripoter la bonne aux doigts palmés ou encore dans la mise en accusation de ses propres juges au tribunal, il y a toujours la place pour l’insouciance, même en plein cœur de la tragédie.
Bien sûr il ne faut pas oublier le message principal de l’aveuglement humain jusque dans le mal. Nous avons bien affaire à une analyse de la psychologie humaine qui est capable du pire lorsqu’elle est déresponsabilisée, segmentée dans son petit rôle et très obéissante jusqu’à l’extrême, la tragédie (disant cela me revient à l’esprit un texte de Jean Teulé qui me donne l’occasion d’une digression : pour un autre aperçu de l’horreur barbare née d’une foule frénétique, je vous conseille la lecture de Mangez-le si vous voulez). L’Histoire vérifiera malheureusement ce conte qui peut très vraisemblablement se répéter. Mais tant qu’il y a de la vie, Joseph K. garde l’espoir.
Ainsi, finalement, ce génie de l’absurde nous captive au fil des pages nous entraînant dans son sillage au cœur d’angoissantes obsessions qui nous poussent à nous lancer dans ses autres livres… dans lesquels, peut-être, chacun de nous pourra trouver plus que ce qu’il ne pense ! Personnellement, j’ai hâte de dévorer Le verdict, La colonie pénitentiaire et Le château…