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Et si la République était dépassée…

Dans le n°65 du journal Le Bien Commun, le mensuel du mouvement politique d’Action française, Gérard Leclerc répond aux questions de l’enquête sur la monarchie. La première : et si la République était devenue une forme dépassée, dont la France a fait le tour, après en avoir essayé, et essuyé, toutes les déclinaisons, du régime d’assemblée au parlementarisme rationalisé en passant par le régime présidentiel ?

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Par Gérard Leclerc

C’est une question qui est vraiment d’actualité, avec la situation que nous connaissons depuis les élections législatives et la dissolution. Nous sommes dans une vraie crise de régime, la première de la Ve République qui soit importante. La Ve République, telle que De Gaulle l’avait voulue avec Michel Debré, est une combinaison disons : une « monarchie républicaine » – je reprends cette expression de Maurice Duverger –, qui fonctionne avec une assemblée. Les choses ont toujours fonctionné à condition qu’il y ait une majorité stable, une majorité de gouvernement.

Parfois les choses ont été tangentes, même sous De Gaulle ; le premier accroc a eu lieu sous Mitterrand avec nécessité par deux fois d’une cohabitation. D’une certaine façon cette cohabitation n’a fait que justifier, à mon sens, les institutions de la Ve en montrant que le principe d’un président qui dirige les affaires du pays peut subsister en dépit d’une majorité contraire.

Donc, selon moi, les deux cohabitations mitterrandiennes et la cohabitation chiraquienne n’ont pas porté atteinte à l’esprit des institutions. On se trouve aujourd’hui dans une conjoncture très différente avec l’impossibilité d’une majorité alternative. Pour reprendre une plaisanterie de Coluche, hier la France était divisée en deux, aujourd’hui elle est pliée en quatre. Aujourd’hui la France n’est pas divisée en deux mais plutôt en trois, sans que l’on puisse donner la préférence à l’une des trois options. Macron doit présenter un Premier ministre mais chacun sait, en toute hypothèse, que celui-ci sera extrêmement fragile puisqu’il sera exposé à une motion de censure. Il n’y a donc pas d’alternative. Celle-ci était possible lorsqu’on était divisé en deux. Quand un camp avait le dessus sur l’autre, il prenait l’avantage mais là aucun camp ne peut prétendre le faire.

La situation est donc conjoncturelle, mais elle est profonde. Elle est conjoncturelle parce que tout est né de l’avènement de Macron, qui a voulu imposer une solution qui participait d’une certaine logique. Depuis que la gauche a renoncé à son programme social en 1983, elle s’est ralliée au libéralisme économique. Macron a voulu démontrer que cette gauche social-démocrate pouvait se retrouver avec un centre politique pour former une puissance qui s’imposerait à la droite et à la gauche. Il a réussi dans un premier temps mais, aujourd’hui, ce tiers parti étant défait, ce qui était conjoncturel nous renvoie à une réalité profonde : c’est une division du pays, qui correspond aussi à des données sociologiques.

Le fait que le Rassemblement national regroupe aujourd’hui presque 11 millions d’électeurs c’est une donnée nouvelle, considérable et qui, à mon sens, n’est pas prête de s’effacer. La gauche est dominée par LFI, qui n’a pas la majorité à gauche mais sans qui la gauche ne peut pas fonctionner ; donc c’est Mélenchon qui mène le jeu de la gauche dans un sens très dur. Le centre macroniste, lui, est présent, même de manière résiduelle par rapport à sa récente percée. Mais ces trois blocs correspondent à des réalités idéologiques et sociologiques avec lesquelles il faudra compter encore longtemps.

Le succès du Rassemblement national tient non pas de l’aura ou du charisme de ses dirigeants mais d’une réalité profonde qui est très bien décrite par le sociologue Jérôme Sainte-Marie ou par Christophe Guilluy et son analyse de la France périphérique, qui représente 60% de la population française. C’est de là que vient le succès du Rassemblement national. C’est la France des provinces, des petites villes, alors que la gauche prospère dans les métropoles – le cas de Paris est emblématique. Le phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la France : on pourrait faire, je pense, à peu près la même analyse avec ce qui se passe aux États-Unis, entre les démocrates et les républicains.

Ça peut ne pas bien tourner. Nous sommes dans une situation de pré-guerre civile. Regardez ce qui se passe en Angleterre ! C’est un peu tout ce qu’on appelle l’Occident géographique qui se retrouve pris dans cette crise.