par Émilie Marthe
Au cœur de la forêt de Soignes, dans la longue avenue rectiligne de Tervueren, un large portail dont la grille donne accès, entre deux piliers portant chacun un lampadaire couronné de fleurs de lys dorées, à la demeure d’exil de nos Princes, le Manoir d’Anjou. C’est Philippe VIII qui l’a acquis à la mort de Léopold II de Belgique survenue à la fin de l’année 1909. Pourquoi ce nom me direz-vous ? Il renvoie à « la délicieuse province qui, depuis Philippe-Auguste jusqu’au frère de Louis XIV, tige de la Maison de France actuelle » – que suit avec ardeur, respect et conviction l’Action française depuis les écrits de Charles Maurras –, « lequel en porta le titre avant celui d’Orléans, a été l’apanage de tant de princes de la famille royale », ainsi que l’indique René Brécy dans son article paru dans l’Almanach 1936 d’Action française.Rappelons ici que René Brécy est le nom de plume d’Eugène Langevin, grand critique d’art cotentinois, ayant rédigé de nombreux textes pour le journal L’Action française entre 1931 et sa mort.
En 1942, il publiera aux Documents d’art de Monaco un volume, titré « Portraits de rois et reines de France », qui sera qualifié de rare et précieux par Charles Maurras dans l’édition du 26 décembre 1942 de L’Action française, dans laquelle il explique qu’il « regarde avec admiration, piété et envie le saint Louis, le Charles V, le François Ier, le Louis XIII, les Louis XIV, les Louis XV… Heureux qui peut vivre à portée de ces merveilles. Les photos ont pour principal mérite de stimuler notre attente et notre désir afin de les pousser vers les originaux. L’une de mes grandes joies, à chaque voyage au Manoir d’Anjou », nous y revenons donc, « était d’approfondir par le regard et par le rêve tout ce que dit, tout ce que montre et ce qu’enseigne le grand et beau Louis XIII de Philippe Champaigne ». Louis XIII est représenté là comme sur la toile exposée au Louvre, en pied, botté de cuir beige, dans une armure d’acier sombre, dont les nombreuses pièces sont agrafées de fleurs de lys d’argent, tenant dans sa main le bâton de commandement.
Dans le Manoir d’Anjou qu’il visite à plusieurs reprises, René Brécy à la joie, selon les termes repris naguère de saint Bernard par l’évêque ayant baptisé en 1933 Monseigneur le prince Henri – deuxième enfant du comte et de la comtesse de Paris, mais fils aîné, héritier de la couronne de France –, de respirer le parfum qu’exhalent les lys de la Maison de France, odorem spei. Traversant au premier étage la grande bibliothèque où trône le bureau du duc de Guise, face auquel est posé un sous-main, signe de la présence de son fils, le comte de Paris, venu étudier auprès de lui, il est possible d’imaginer Monseigneur en train d’analyser journellement de très près les événements et la politique de France. René Brécys’interroge : « Que n’est-elle plus connue cette famille royale aussi incomparable, nous pouvons le dire, dans son présent que dans son passé ?! Pour la faire aimer et admirer, il suffit de la montrer telle qu’elle est au long de son habituel train de vie ». Aujourd’hui, en 2024, tournons-nous vers le Prince Jean et sa famille, Philomena de Tornos y Steinhart, son épouse, et ses enfants, Gaston, Antoinette, Louise-Marguerite, Joseph, Jacinthe et Alphonse.
Dans le Manoir d’Anjou, un autre visiteur est souvent venu : Charles Benoist – qui est venu à L’Action française en mars 1928 et a longtemps travaillé avec le comte de Paris. Parlant de Monseigneur, il dira : « C’est le bon sens fait homme. Peu loquace par modestie, il est très réfléchi, précis dans ses paroles, il a un jugement infaillible, je ne l’ai jamais vu se tromper, pas plus sur les hommes que dans les affaires. Comme son illustre aïeul Henri IV, il a fait l’apprentissage de toutes les vertus propres à commander ». Pour Charles Benoist, il est dans la lignée de Charles V, et ici je suis singulièrement touchée de cette comparaison, Charles le Sage étant un modèle pour moi !
Ainsi, finalement, « tout Français trouve au Manoir d’Anjou un accueil propre à lui laisser pour la vie un radieux et reconnaissant souvenir : c’est comme un devoir envers nos Princes, malgré la discrétion qui retient, de leur apporter un peu d’air de France. Faisons connaître à tous les Français cette admirable Maison de France, chef, égide et centre commun de toutes les familles françaises. La France doit se hâter d’y aller rendre le sceptre à nos Princes afin de les remettre dans leur rôle tant de fois séculaire, magnifiquement bienfaisant, indispensable à la prospérité de la patrie », conclut René Brécy.
Parce que la demeure d’exil de nos Princes, un petit palais blanc surmonté d’un dôme, montre la grandeur française, tout royaliste reçoit un choc face à cette maison où ont résidé les gages d’un avenir glorieux pour nous. C’est la maison de tous les Français (le roi et la reine de France y ont reçu des groupes de jeunesse intellectuelle et ouvrière, des Français de tout âge et de toute condition, des délégations de métiers…) où tous étaient les bienvenus, assurés d’un accueil inoubliable, le Roi étant le père de tous, qui a toujours eu des paroles empreintes d’une affection magnanime.
Sachons, encore et plus fort que jamais, connaître notre Prince et la Maison de France pour l’apprécier à sa juste valeur !