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L’Afrique francophone ne doit plus être « invisibilisée » dans les médias

par Ilyes Zouari

Vaste comme trois fois l’Union européenne, l’Afrique francophone souffre pourtant d’une marginalisation médiatique en France, atteignant des sommets inégalés ailleurs dans le monde francophone. Une aberration, d’autant que cet espace connaît une double émergence, démographique et économique, faisant de lui un important relais de la croissance mondiale.

L’occultation totale des derniers Jeux de la Francophonie, organisés mi-2023 à Kinshasa, qui n’est autre que la plus grande ville francophone du monde avec ses 17 millions d’habitants, et la capitale du plus peuplé des pays francophones, la République démocratique du Congo, et ses 110 millions d’habitants, fut une énième illustration de l’invisibilisation de la francophonie mondiale, et en particulier africaine, dans les grands médias français destinés à la population hexagonale (à ne pas confondre avec ceux destinés à l’étranger). Une invisibilisation qui n’a aucun équivalent ailleurs dans l’espace francophone, où les médias nationaux ont donc abondamment couvert cet événement international, et où nombre de professionnels du sport, de la culture et du journalisme furent choqués par le silence côté français.

Ce silence total, digne des régimes les plus totalitaires, n’a fait que s’inscrire dans la continuité d’une pratique observée en France depuis près de deux décennies, avec pour résultat d’avoir coupé la population française de son vaste espace linguistique, dont elle ne connaît désormais pratiquement rien. Alors que l’Afrique francophone est un chantier à ciel ouvert, nos compatriotes n’ont guère accès à des images montrant les grands projets, réalisés ou en cours, dans cette partie du monde. La quasi-totalité des Français ignore l’existence de la Basilique Notre-Dame de la Paix de Yamoussoukro, plus grand édifice chrétien au monde, et presque aucun d’entre eux n’est capable de citer le nom d’un seul des présidents francophones d’Afrique.

Des opportunités gâchées

Cette ignorance ne peut qu’avoir de graves conséquences, notamment sur le plan économique en nous privant, in fine, de nombreuses opportunités de partenariat mutuellement bénéfiques, et en laissant presque le champ libre aux puissances concurrentes de notre pays, ainsi empêchés de tirer pleinement profit de l’avantage concurrentiel unique offert par le lien linguistique. Une situation d’autant plus dommageable que l’Afrique francophone connaît une double émergence démographique et économique. Alors qu’elle ne rassemblait que 70 millions d’habitants en 1950, elle en compte désormais 490 millions, dépassant l’Union européenne et l’espace hispanophone. Parallèlement, elle est la partie économiquement la plus dynamique du continent africain, affichant régulièrement les taux de croissance les plus élevés, mais aussi les niveaux d’inflation et d’endettement les plus faibles. Composée de vingt-deux pays, sa partie subsaharienne a réalisé en 2023 le taux de croissance le plus élevé de la zone pour la dixième année consécutive, avec à la clef une progression annuelle de 3,9% sur la période 2014-2023, contre 2% pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Au cours de cette même décennie, sept des dix plus fortes croissances réalisées sur le continent l’ont ainsi été par des pays francophones.

L’Afrique francophone doit donc redevenir une priorité économique, et donc aussi médiatique, pour la France, qui y brille parfois par une absence quasi totale, comme en RDC. En effet, l’Hexagone n’a compté en 2022 que pour 0,5% du commerce extérieur de ce pays stratégique, qui avait connu une croissance de 8,9% la même année (contre une part de 38,5% pour la Chine, soit 77 fois plus !). Au lieu de s’efforcer de couper les Français de ce vaste ensemble, au profit notamment de l’Union européenne, dont la partie orientale est d’ailleurs, de loin, la principale bénéficiaire de nos aides au développement, tout devrait être fait, au contraire, pour renforcer les liens entre nos peuples, au bénéfice de l’ensemble des parties. Comme le démontre notre histoire, la France a toujours fini par payer lourdement ses périodes d’irrationnelle obsession européiste…