par Michel Michel
Les idées sont comme des armes, elles sont efficaces sur la Cité quand on sait les combiner. L’art politique de Maurras, son génie, fut de savoir synthétiser des idées qui se présentaient comme antagonistes : autonomie provinciale ou nationalisme, socialisme ou entrepreneuriat, dictature ou anarchie, positivisme ou cléricalisme, etc. C’est cette stratégie d’alliance que Maurras désignait comme « le compromis nationaliste ».
Le diabolo divise, « analyse », oppose, au contraire qui veut agir doit « tricoter », « symboliser » (voir le « symbole des Apôtres » comme signe de reconnaissance et d’unité) pour qu’ensemble, les différents ruisseaux aient la force d’un grand fleuve.
On comprend pourquoi le marxiste Antonio Gramsci a longuement étudié le travail « idéologique » de Maurras, comme exemple des alliances possibles pour constituer un « bloc historique » hégémonique, condition préalable nécessaire avant toute révolution.
C’est pourquoi, l’Action française, qui a pour finalité spécifique un changement de régime, n’abandonne jamais le combat des idées, ferraillant contre les idées qui subvertissent le bien commun de la France et cherchant des alliances avec celles qui sont compatibles avec nos objectifs.
Les vrais « intellectuels » sont attirés par nos débats mais restent un peu « sur leur faim » métaphysique et c’est normal, car nous ne professons pas une « métapolitique » pure et unique : thomisme, positivisme, traditionalisme perrenialiste, aristotélisme ou platonisme, nietzschéisme ou providentialisme, valeurs universelles ou ethno-différentialistes, etc.
Nous visons à « conjuguer » les diverses « raisons » qui pourraient concourir au redressement de la France. Je ne vous serinerai pas le refrain de « la rose et le réséda » d’Aragon mais ce serait une erreur d’exiger que chacun veuille imposer sa foi et exclure ceux qui ne la partagent pas (même si croyants ou non, nous devons reconnaître l’importance de l’Église catholique dans la constitution de la France). Comme ce serait une autre erreur de demander à chacun de masquer ses convictions (à la façon dont le laïcisme républicain veut confiner le religieux à l’espace privé), car les convictions de chacun sont les principales motivations qui nous portent à agir. Mais elles ne doivent pas nous empêcher d’agir avec les autres pour le bien commun : notre finalité n’est pas doctrinale mais une « action française ».
L’AF en tant que telle ne combat que les doctrines et les positions éthiques qui s’opposent avec évidence au bien commun de la France.
Qu’on l’apprécie ou non, notre pays n’a jamais été si fragmenté ; nous sommes dans la situation de parents dont les enfants ont suivi des voies spirituelles différentes et qui veulent garder les liens dans leur famille. Mais il ne s’agit pas non plus exactement de « tolérance », il est davantage question de rechercher en quoi les convictions des uns et des autres se « conjuguent » et se complètent et en quoi leur opposition n’est souvent qu’une question de quiproquo qu’une traduction saura réduire (on peut dire les mêmes choses dans des langages différents).
Les inévitables confrontations auxquelles doivent s’habituer nos militants qui viennent de toutes les « familles spirituelles » de France sont l’occasion d’une maïeutique à l’issue de laquelle on comprend mieux les autres et on a élaboré avec le temps des synthèses plus cohérentes, qui prennent en compte de multiples niveaux anthropologiques. C’est une façon de comprendre « l’empirisme organisateur ».