Aujourd’hui, « La méthode politique » décrite dans la rubrique « La politique » de Charles Maurras parue dans le n°93 de L’Action française du 3 avril 1925 donne lieu à une réflexion…
Par Adègne Nova
« J’ai dit hier aux étudiants venus assister à la conférence donnée par Bernard de Vesins qu’il y a seulement quinze ans, traitant devant vous de la méthode politique, j’aurais dû commencer par établir le ‘politique d’abord’. [Néanmoins], les événements m’ont dispensé de ce soin. Ceux qui doutaient de l’importance ‘du politique’, ‘le politique’ est allé les chercher à leurs bureaux, à leurs chantiers, à leurs comptoirs, à leurs maisons des champs. Il est venu vous chercher ces jours-ci sur le banc de vos écoles. Le ‘politique d’abord’ étant accordé, quelle est la politique qu’il faut faire d’abord ? Quelle méthode adopter ? De quel fil conducteur nous saisir, entre les partis et les idées politiques ? Nous avons proposé une méthode, la méthode du [nationalisme intégral]. Pourquoi ? Parce que toutes les autres faisaient faillite.
Même la méthode de ne pas avoir de méthode ! On l’a bien vu au Sénat avant-hier par le discours Jouvenel*, où les plus hautes questions politiques ont été balayées sans débat au gré d’un sentiment, je ne veux pas croire d’un intérêt.
Faillite égale pour la méthode libérale. On a bien vu qu’elle ne menait à rien. Si la liberté est reine, seule reine, si elle est souveraine, nulle idée ne peut être prise pour critérium ni pour chef, sauf l’idée qui admet tous les chefs. Théoriquement, c’est le désordre. Pratiquement, on arrive très vite à la liberté du mal et du pire : la nature humaine s’y rue quand les contraintes morales et matérielles cèdent au libre cours de tous les désirs et de tous les penchants.
Faillite semblable pour la méthode socialiste. Celle-ci comporte un critérium, mais faux et dangereux, l’idée d’égalité. Ce n’est pas la production qui est organisée alors, c’est la non-production, le ralentissement de l’effort producteur, dans la consommation rapide. La force de l’État tournée contre le profit légitime des particuliers ruine la collectivité. Cela s’est vu en Russie, en Autriche, même en Allemagne. Notre socialisme d’État, notre étatisme démocratique fait lentement l’expérience, avec les conditions aggravantes apportées par le rêve de fraternité internationale, qui permet le désarmement et facilité l’invasion.
Faillite égale d’une méthode plus générale que l’on peut appeler républicaine ou méthode des partis. Elle va directement contre l’objet supérieur de la politique, l’art de faire durer ces amitiés humaines qui s’appellent Villes, États, Nations, de les faire durer dans l’ordre et par la justice. Bien différente de cette politique essentielle, la politique républicaine ne tend qu’à la guerre intérieure, et c’est ainsi que l’entend le bon public quand il dit au café ou au coin du feu : Moi, je suis un homme tranquille, je ne fais pas de politique, je ne me dispute pas avec mon voisin… La méthode des partis est arrivée à corrompre si profondément la vie nationale que l’on peut dire que, à l’heure qu’il est, son art consiste à poursuivre le mal public. Voyez quels joyeux grincements de plume dans les feuilles du Cartel à l’idée d’un trouble, d’un conflit quelconque ! Voyez l’effort contant pour tourner les classes, les régions les uns contre les autres ! Cependant, ils ont le pouvoir (…).
Je crois à des tentatives révolutionnaires, je ne crois pas à la révolution. Vous saurez l’empêcher. Mais si la révolution se produisait, elle serait plus grave que celle de 1793, car les éléments prétendus populaires qui l’exécuteraient ont été soigneusement dressés à concevoir les autres factions du peuple français comme d’irréductibles ennemis. Sous l’Ancien Régime, paysans, bourgeois, nobles recevaient plus ou moins d’instruction, plus ou moins de culture, mais une instruction et une culture identiques, réglées par le clergé, s’inspirant de principes et de lois que l’on peut appeler en gros, catholicisme et humanités. L’enseignement primaire autonome, contrôlé par lui-même, inspecté par lui-même, a créé dans la masse populaire quelque chose de tout neuf et de très différencié. Pas d’initiation au catholicisme. Pas d’introduction ni d’accès aux humanités. On a créé un peuple dans un peuple. Si ce peuple-là devenait le maître, les optimistes auraient des déceptions graves. Cette victoire radicale de la méthode des partis entraînerait une disparition complète de la Patrie et de ce qu’elle représente de plus précieux pour le cœur et l’esprit de l’humanité ».
Ces quelques lignes de la plume de Charles Maurras n’ont pas pris une ride ! En outre, elles montrent à quel point la succession des nombreuses République – Ire, IIe, IIIe, IVe, aujourd’hui Ve, certains parlent de VIe – dans lesquelles ont œuvré de plus nombreux gouvernements encore – Gouvernement Dupont de l’Eure, Gouvernement de la Défense nationale, Gouvernement Poincaré, Gouvernement provisoire de la République française, Gouvernement Gouin, Gouvernement Pompidou, Gouvernement Barnier, gouvernement fantoche, gouvernement de coalition, gouvernement d’union nationale, Gouvernement Bayrou ou d’autres et d’autres encore qui seront appelés à jouer un « mauvais » rôle – n’a servi en rien le pays ni les Français qui le peuplent.
Il ne suffit pas d’habiter l’Élysée ou l’hôtel Matignon, ou d’occuper un siège au palais Bourbon ou un au palais du Luxembourg pour dire faire de la politique. La politique est un métier ! Il ne suffit pas de dégainer le faisceau de licteur – emprunté aux Romains – seul ou repris sur le sceau de 1848 encore utilisé aujourd’hui pour dire être légitime à la place occupée. La politique est incarnée, vécue, consacrée !
Soyons lucides, pour une fois, une fois seulement, rien qu’une fois peut-être, cessons de croire au beau, aux apparences, cessons d’être « cons à la fois » et regardons autour de nous, notre passé, notre histoire, oublions les quelques cadeaux que nous jettent nos élus qui nous saoulent et nous font voir de rares éléphants roses qui nous rendent moroses, regardons passer les bateaux d’opium sans vider de verres de whisky de Clermont-Ferrand et arrêtons d’être « trop bonnes pommes qui se crèvent le cœur et le pur esprit »** ! De méthode, la seule qui vaille renvoie à l’empirisme organisateur : mettons à profit les bonheurs du passé en vue de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à son pays !
À l’instar de Platon, nous appelons de nos vœux l’anacyclose qui mettrait fin au cycle infernal actuel engendré par le régime qui nous gouverne depuis trop longtemps. Monseigneur le Comte de Paris déplorait en 2009 que notre pays affronte depuis des décennies une crise multiple : sociale, économique, politique et des institutions qui, aujourd’hui ne cessent d’être « refaites, remodelées, rafistolées ». La monarchie a l’avantage sur la République que le roi n’ait pas à être soumis à l’élection. Il n’a pas de méthode à suivre pour demeurer au pouvoir et tâcher de gérer le pays comme un chef d’entreprise gèrerait son service financier et des ressources humaines. Et c’est bien ce qui change tout !
La monarchie, c’est un roi dont l’arbitrage ne favorise pas l’un au détriment de l’autre, il ne soutient pas un groupe contre un autre. Il n’est l’homme de personne, sauf de son pays. Depuis trop longtemps l’État se dissout dans sa logique qui est électorale ; et les politiciens qui s’agitent pour le spectacle ne le font que pour se faire élire ou réélire et réélire encore, reprochant aux dynasties royales la continuité qu’ils créent dans leurs propres familles montrant des maires de mère en fille, des députés de pères en fils ou des sénateurs de pères en filles.
La royauté c’est l’avenir, indéniablement, car le roi « exerce le pouvoir indépendamment des pressions et des passions, libre de toute influence qui le détournerait du bien commun, soucieux de défendre les libertés, des corps intermédiaires comme des personnes ». Tout l’inverse finalement de ce que proposent les républicains, capables de tout pour conserver leurs merdeux petits pouvoirs, même d’asséner des verdicts abjects pour estourbir les velléités de leurs opposants identiques aux leurs…
*Sénateur de la Corrèze de 1921 à 1935.
**« La chanson de Jacky » résonne ici aux oreilles du lecteur.