Il y a deux ans, j’avais évoqué la cérémonie d’hommage aux agriculteurs morts par suicide qui avait été organisée à Saint-Anne d’Auray. 600 croix avaient été installées sur le parvis de la célèbre basilique dédiée à la sainte, patronne de la Bretagne. 600 croix représentant chacune les vies disparues en un an de nos agriculteurs morts de désespoirs. L’événement avait été plutôt bien relayé à l’époque, mais force est de constater que rien n’a changé en ce qui concerne la situation de notre agriculture et que le drame continue. Dimanche dernier, un cérémonie analogue s’est déroulée dans les mêmes lieux, avec une messe célébrée à l’intention des victimes de cette année, aussi nombreuses que les années passées. Jacques Jeffredo, qui est à l’origine de cette initiative, a pu déclarer au Figaro : « Il ne se passe pas un jour sans que l’on me communique un faire-part de décès d’un agriculteur qui s’est donné la mort ou que des proches m’appellent au secours. » Les chiffres recueillis par lui sont deux fois supérieurs à ceux reconnus par les pouvoirs publics.
Il y a, bien sûr, des raisons économiques au désespoir de nos campagnes. Mais il y a aussi des causes morales, qui se rapportent à l’histoire récente de notre agriculture. J’en prends conscience dans le cadre de ma propre famille. Presque tous mes cousins et petits-cousins qui étaient nés à la ferme ont suivi des carrières hors de l’agriculture. Je vis deux mois par an dans une région où les exploitations agricoles ont massivement disparu. Un seul fermier a pris la suite de dizaines de petits exploitants qui ne pourraient plus vivre de la terre aujourd’hui. C’est un véritable phénomène de civilisation dont on n’a pas pris suffisamment la mesure et qui aurait exigé une réflexion appropriée pour l’avenir de notre équilibre social. Tout se passe comme si le processus se poursuivait inexorablement.
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