Sauf surprise du vote des adhérents, le FNUF, fondé en 1972 par l’organisation Ordre Nouveau pour être sa vitrine électorale, aura bientôt vécu. Il est vrai que, depuis 1995, le Front national pour l’unité française était déjà simplement devenu, statutairement, le Front National. Il conviendra donc de passer du FN au RN, au Rassemblement national, des initiales que les royalistes connaissent bien (ce sont celles de la Restauration nationale)…
Seuls 52 % des adhérents étaient favorables à un changement de nom : est-ce la raison pour laquelle celui-ci apparaît quelque peu cosmétique et… paradoxal, puisque, dans le même temps, Marine Le Pen se dit désormais favorable à une stratégie d’alliances ? Or, « Rassemblement national » est plus le nom d’un regroupement électoral de patriotes, comme pour les législatives de 1986, que celui d’un parti politique, à moins qu’avec lucidité, la présidente (100 % de voix pour sa réélection : elle était la seule candidate) ne sache bien que d’alliances, pour l’instant, il ne saurait être question et qu’on n’est jamais aussi bien rassemblé qu’avec soi-même, ce qui peut déjà apparaître comme un gageure pour un parti politique qui traverse une crise profonde de crédibilité.
National, social et populaire
C’est dans la grande tradition du FN canal historique, celui qui, au début des années 1970, se démarquait à peine du Mouvement social italien (MSI), non seulement dans la flamme tricolore qu’il avait reprise aux néo-fascistes, et que le Rassemblement national conservera, mais également dans le vocabulaire lui-même, que Steeve Briois a rappelé au Congrès que le FN est avant tout un mouvement national, populaire et social. Une trilogie, en effet, que Jean-Marie Le Pen n’a cessé de marteler tout au long de l’histoire du mouvement pour bien montrer la spécificité de la droite nationale, par rapport à la droite libérale ou conservatrice. Et ce ne sont certainement pas les résultats encourageants de l’alliance électorale italienne entre la Lega, Fratelli d’Italia (héritiers du MSI, dont ils ont repris la fiamma tricolore) et Forza d’Italia (sur la pente descendante) qui inciteront le FN à changer de ligne. D’où aussi, nous l’avons dit, une stratégie d’alliances voulue par Marine Le Pen, qui serait à coup sûr gagnante, car, de même que l’électorat de gauche dès 1934 ou 1972, assurément, l’électorat patriote, toutes droite confondues, avaliserait une telle stratégie si celle-ci se dessinait… Mais, c’est bien connu, nous avons la droite la plus bête du monde… Ou, surtout, la plus aliénée. Ce n’est pas le cadavre du fascisme qui bouge encore, et qui obnubile la droite, mais bien plutôt celui de Mitterrand, dont le totem interdit comme un tabou toute alliance de la droite libérale ou conservatrice avec la droite nationale, sociale et populaire. Ce qui est possible, par exemple, en Autriche ou en Italie, est impossible en France. On peut, on doit, d’un point de vue électoral, le regretter. Mais c’est un fait. Et c’est sur des faits qu’il faut construire l’analyse politique.
Une base militante encore saine
On ne peut en revanche qu’être rassuré qu’après plusieurs années de philippotisme, la base militante du FN futur RN soit restée aussi saine, en dépit peut-être de cadres dirigeants qui, par aveuglement, auraient certainement préféré une plus grande transformation idéologique de l’adhérent-type. Si, sur la question de l’euthanasie, un flottement s’observe, si la peine de mort (nous ne nous en plaindrons pas) est largement devancée par le souhait de voir établir une vraie perpétuité incompressible, pour le reste, l’adhérent du FN continue, à de larges majorités, à promouvoir une vision de la nation et de la société qui soit conforme à la doctrine sociale de l’Eglise, qu’il s’agisse de l’immigration, du mariage homo, de la GPA ou de la PMA. Comme quoi Marine Le Pen a commis une faute lourde qu’elle a payée à l’élection présidentielle en ne s’étant pas davantage engagée dans les manifestations contre la dénaturation du mariage et qu’elle doit absolument le faire dans les luttes à venir contre la marchandisation du corps de la femme et de l’enfant à naître. Comme quoi aussi, c’est bien Marion Maréchal-Le Pen qui incarnait le mieux, les années précédentes, l’ADN idéologique du mouvement. Et pourrait de nouveau l’incarner. Car ces résultats prouvent qu’on peut être à la fois un grand mouvement national, social et populaire et refuser les fausses évolutions sociétales. L’effet de cliquet n’existe que dans les têtes de politiques sans conviction.
François Marcilhac