La chronique de Stéphane Blanchonnet dans Le Bien Commun
Si nous ne pouvons que nous réjouir de la naissance d’un nouveau confrère, – Front populaire de Michel Onfray en l’occurrence –, avec lequel nous partageons un grand nombre de vues sur des thèmes comme la souveraineté et la civilisation, nous ne cacherons pas notre déception à la lecture de l’article consacré à la question scolaire dans le premiernuméro.
L’auteur, Barbara Lefebvre, s’y livre en effet à un énième procès du pédagogisme, en véritable croisée de la restauration de l’école républicaine de Jules Ferry. Cette façon d’aborder lesujet, – majoritaire chez les conservateurs de gauche comme de droite –, outre qu’elle conduit à des contradictions auxquelles n’échappe pas Mme Lefebvre (notamment quand il s’agit de regretter la transformation de l’école en lieu d’imposition d’une idéologie, tout en proposant, un peu plus loin, de faire la même chose dans un sens contraire), laisse également dans l’ombre plusieurs aspects cruciaux de la crise actuelle de l’école.
En effet, – et nous ne faisons ici que reprendre la thèse de M. Yves Morel, éminent historien du système scolaire français –, cette nouvelle querelle des Anciens et des Modernes (réactionnaires contre pédagogistes) est l’arbre qui cache la forêt. Le problème est en effet moins pédagogique questructurel. L’école postmoderne dont nous déplorons l’échec aujourd’hui est d’ailleurs sur le plan idéologique la parfaite héritière de l’école républicaine qui l’a précédée. Cette dernière proclamait un idéal égalitaire que contredisait dans les faits l’existence de deux ordres scolaires distincts et cloisonnés : l’école communale et le certificat d’étude pour le peuple, le lycée (qui commençait en sixième) pour la bourgeoisie.
Seuls les meilleurs du premier ordre pouvaient passer dans le second par un système de bourses (qui donnaient d’ailleurs d’assez bons résultats). Mais ce dualisme, en flagrante contradiction avec la passion égalitaire au coeur des « valeurs républicaines », ne pouvait durer et il fut effectivement détruit dans les années 60 dans un vaste mouvement d’unification et de massification du système scolaire. Depuis lors, tous les élèves sont poussés à se presser dans la voie générale et à viser le baccalauréat. Le résultat de tout cela étant une inéluctable baisse du niveau et un démantèlement du savoir classique,jugé de plus en plus difficile et discriminant.
Face à ce phénomène massif, le débat autour des méthodes pédagogiques (plus ou moins magistrales ou plus ou moins actives) ou les gadgets conservateurs, comme la question de l’uniforme, apparaissent finalement très marginales. Encore un effort chère Barbara Lefebvre ! Sans remise en cause de l’égalitarisme, sans restauration d’une véritable filière classique en parallèle d’un développement des formations professionnelles pour ceux qui manifestement ne sont pas faits pour les longes études générales, rien ne changera.