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Le Brexit, l’Angleterre, l’Écosse … et nous

Par Michel Servion

Le Brexit a désormais son cadre juridique. Faut-il en conclure  que l’accord acte le détricotage de l’Europe ou au contraire qu’il la  fortifie en la soustrayant  à l’influence délétère  du libéralisme anglo-saxon ? l’Europe ne serait-elle plus la prison des peuples puisqu’il est si facile de s’en évader ? Le Brexit sera-t-l un précédent à d’autres départ de l’UE ? On n’en voit certes pas les prémisses malgré les turbulences venues de Varsovie, Budapest ou Ljubljana. Pas plus qu’on ne les voit à Athènes : La Grèce coincée entre une Turquie conquérante, une Chine propriétaire du Pirée et une immigration invasive s’accroche plus fortement encore à l’Europe.

On pourrait même (comme John Le Carré dans son dernier roman)  imaginer un Brexit de combat associant Grande Bretagne et États-Unis visant à dynamiter l’Europe, jouant les états les uns contre les autres et la  (les) contraignant au final à choisir entre La Chine et les États-Unis ou plutôt entre la Chine et … les GAFA puisqu’il est pertinent de conférer à ces dernier les attributs d’une quasi souveraineté.

Bref, le Brexit reconfigure nécessairement le projet européen et certains d’imaginer une recomposition de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) permettant à la Grande Bretagne de renouer avec la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein … en attendant d’autres déçus ? Il faut toutefois remarquer qu’à aucun moment les Britanniques ne semblent avoir entamé la cohésion des 26.

Et l’Écosse ?

Les perspectives évoquées ci-dessus semblent en tout état de cause donner à la Grande Bretagne un rôle de meneur de jeu puisqu’elle est à l’initiative de la rupture, forte à la fois de son insularité, des survivances de son rôle planétaire et … de l’amitié des USA.  Avec toutefois quelques cailloux dans la chaussure (elle conserve une frontière terrestre avec l’Irlande et qui peut dire ce qui va se passer en Ulster ; une opinion publique fracturée ; un pays de Galles opposé au Brexit …) dont un majeur : l’ECOSSE.

Une Écosse chère au cœur des Français depuis 1165 où le roi d’Écosse Guillaume le Lion proposa au roi de France Louis VII un accord dirigé contre l’Angleterre. Le 23 octobre 1295 fut signé, entre Philippe le Bel, roi de France  et John Balliol, roi d’Écosse,  le traité d’assistance mutuelle, la fameuse « Auld Alliance » où chacun s’engageait à soutenir l’autre partie au cas où elle serait envahie par l’Angleterre. Jusqu’en 1707 (naissance du Royaume Uni de Grande Bretagne) l’alliance fonctionna … et perdura suivant un mode infra étatique, avec notamment les gardes écossaises présentes jusqu’à la révolution. Et des historiens de nous dire qu’elle serait toujours en vigueur ..

Cette « Auld Alliance » illustre un irrédentisme et un particularisme écossais qui périodiquement refont  surface sur un mode mémoriel qui d’ailleurs concourt plus à la gloire de l’Empire britannique  qu’à sa remise en question mais aussi sur un mode politique beaucoup plus problématique au regard de l’unité britannique. Ainsi aux élections générales britanniques du 12 décembre 2019 à la veille de la glaciation covidienne le Scottish National Party obtenait 45% des voix et, compte tenu du mode  de scrutin envoyait aux communes 48 députés sur les 49 sièges réservés à l’Écosse. Les conservateurs, arrivés second n’en ont que 6. Le 18 septembre 2014 lors d’un referendum d’autodétermination le non à l’indépendance l’avait emporté avec 55, 4 %  ce qui est une vraie majorité … par temps calme. Mais ce refus de l’indépendance résistera-t-il à ce tremblement de terre qu’est le Brexit ? C’est toute la question et dès  le referendum du 23 juin 2016  le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne sonnait l’alarme car si 51,89% des électeurs du Royaume votaient pour la sortie de l’UE, toutes les circonscriptions écossaises votaient pour le maintien dans l’Europe. Et dans la foulée de ce referendum la première ministre écossaise Nicola Sturgeon de demander un nouveau referendum sur l’Europe.

Et nouvelle demande de referendum à la suite des accords signés fin décembre 2020 à Bruxelles. Les écossais seront tenaces.

Se pose alors la question : Quel est dans cette affaire l’intérêt français ? De nombreux cadres du régionalisme français (notamment bretons) soutiennent à fond les écossais comme l’a fait Joël Cuzon du Rest. Et sans attendre une réponse qui mérite réflexion on peut penser que des militants monarchistes ne seront pas les derniers à se poser la question. Et n’est ce pas le moment de se souvenir de l’Auld Alliance non point tant contre l’Angleterre que pour offrir aux écossais une passerelle vers le continent ? En mémoire de Marie Stuart…