Par Michel Servion
Le monde de la culture est en ébullition. Depuis ce jeudi 4 mars le théâtre de l’Odéon, baptisé par de Gaulle et Malraux est occupé. Et l’ombre de mai du 14 mai 68 de planer sur la France où l’occupation de l’Odéon avait symbolisé le mouvement dans son ensemble. Avec une immense différence : en mai 68 une pulsion libertaire échevelée portée par un gauchisme devenu maladie sénile du communisme comme eu dit Lénine, semblait devoir tout emporter. Il en va tout autrement en 2021 : la revendication révolutionnaire de 68 s’est muée en sursaut (ou même en soubresaut) d’une catégorie professionnelle – intermittents compris – qui tente de survivre en invoquant, pour mieux capter les fonds publics, sa fonction indispensable dans la vie sociale.
En 68 il s’agissait de faire la révolution, en 2021, de survivre dans un climat où les Français donnent la priorité à d’autres soucis : santé, commerces, chômage … La France de 68 était riche, le France de 2021 est en voie de paupérisation …
Il ne s’agit pas ici de s’interroger sur la place de la culture dans la société et cela d’autant plus qu’il faudrait aussi se poser la question de quelle culture a besoin la société
En mai 68 des jeunes (sans guillemets) plutôt nantis venaient secouer une France opulente et solidement embourgeoisée alors qu’aujourd’hui des « précaires », et autres intermittents, quelques révolutionnaires sans Cause et un monde étudiant paupérisé viennent nous révéler une société en déconfiture.
La question n’est plus comme en mai 68 de s’interroger sur la capacité de groupuscules trotskistes à enclencher un processus révolutionnaire ou sur le risque de voir le PCF profiter de la situation pour réaliser le grand soir. Le risque aujourd’hui est ailleurs : celui de voir le pays s légal s’effondrer sans que le pays réel ait eu le temps et les moyens intellectuels et matériel de se doter des outils empêchant le déclin d’être irrémédiable. Aux menaces qui pèsent sur notre pays (citons en vrac le COVID, la perte de souveraineté économique, l’incapacité à tenir son rang en Europe, le reniement de son histoire, l’insécurité …) risque de s’en ajouter une autre : celle d’une révolte « culturelle » largement masquée jusque là par une insurrection de type ethno-raciale comme en témoignent aussi bien la Ligue de Défense Noire ou les Indigènes de la République ou encore le comité Adam Traoré.
Le mouvement d’occupation des théâtre – à commencer par l’Odéon – et autres lieux culturels fera-t-elle tache d’huile ? La question n’est pas oiseuse car, en première analyse, on pourrait penser que, la crise étant si grave, les Français ont d’autres soucis que de s’occuper des « saltimbanques ». Oui mais en seconde analyse on peut penser que la crise est si grave que plus personne n’a rien à perdre. Dans ce cas la « révolte culturelle » pourrait marquer la fin d’une apathie sociale et fournir un détonateur à une explosion sociale que les cautères gouvernementales (couvre feux et aides sociales) ont jusqu’ici réussi à juguler. Jusqu’à quand ? Et qui sera le mieux à même d’encadrer cette révolte ?