Par Henri Temple
OPINION. Alors qu’un certain nombre de voix à gauche militent pour le ralliement à Jean-Luc Mélenchon, ce sont probablement les trois candidats d’extrême gauche qui vont priver le leader insoumis du second tour.
En 2017 les sondages proches du premier tour avaient donné les bons résultats avec une erreur de 1 % en moins pour Jean-Luc Mélenchon et de 1 % en trop pour Marine Le Pen. Il ne faut donc pas les prendre à la légère. En 2022, à 15 jours du vote majeur pour les cinq ans qui viennent, voire pour la survie de la France, les sondages donnent Macron en tête (mais en décrue, entre 29 % et 27 %. Le Pen le suit (mais en progrès, entre 18 et 21 %). Or, c’est Mélenchon qui vient en troisième position aux alentours de 14 %. Devant Zemmour et Pécresse qui sont entre 10 et 12 %.
Plusieurs particularités remarquables sautent aux yeux. En premier lieu la disparition progressive de deux grands partis qui pesèrent très lourd dans la vie politique française pendant 3/4 de siècle (de 1945 à nos jours) : d’abord le PS, parti de Mitterrand et Hollande, est désormais dépassé par ce parti communiste dont on pensait que ce même PS l’avait définitivement relégué au cabinet des horreurs. Ensuite, on voit mal comment le RPR-UMP-LR (de Gaulle, Pompidou, Chirac, Sarkozy) pourrait survivre à un troisième quinquennat absent de l’Élysée. Tiraillés entre leurs convictions politiques, leur loyauté à leurs appareils électoraux, leurs objectifs carriéristes personnels, les cadres, les élus LR, s’égaillent comme une volée de corneilles en hiver, les uns vers Le Pen, certains vers Zemmour, d’autres enfin vers Macron. La candidate des LR, une énarque BCBG, neuilléenne en diable, appliquée, mais sans charisme ni bienveillance, dépourvue de fond, entraîne sa famille vers le fond et la disparition prochaine de son parti.
En second lieu voici un phénomène inédit en France : un candidat inattendu, hors parti, surgi des plateaux de télé vient s’immiscer dans le peloton de tête de la compétition avec des thèmes crus et des formules qui ne le sont pas moins. Zemmour essaie à son tour de renouveler à son profit le coup de main réalisé par Macron en 2017 : un homme sans parti, appuyé par de puissants sponsors, avec moins de soutien médiatique, mais des thèmes plus clairs, notamment ceux de l’immigration-islamisation et de l’insécurité.
En troisième lieu, si l’on s’attache à déceler les lignes de forces politiques qui se dégagent des sondages, on remarque que le vote national (4 candidats) pèse, avec plus d’un tiers des intentions, 7 à 8 % de plus qu’en 2017, ce qui est considérable. Et donc, si d’ici le 10 avril la tendance se confirme ou se renforce, tout peut arriver, y compris au second tour. La grande surprise serait que, poussée par sa détestation de Macron et par les progrès programmatiques sociaux de Le Pen, une partie significative de la gauche la suive. Or la gauche, éparpillée en 6 postulants, cumulerait tout de même 26 à 28 % des voix. Et si les scores des petits candidats extrémistes de la gauche antidémocratique se confirmaient, ils sonneraient le glas du thuriféraire de Robespierre : Mélenchon. Personne ne se plaindra d’échapper ainsi au cauchemar d’un duel final entre Macron et le lider maximo. Si on devait en féliciter quiconque (mais seulement pour cela), ce seraient les deux candidats trotskystes et le candidat léniniste. À ces trois-là, les sondeurs prêtent les 5 à 6 % d’intentions qui empêcheront Mélenchon d’atteindre le second tour. Robespierre (qu’admire tant ce dernier) battu par Lénine (de Roussel) et par Trotsky (de Poutou et Artaud) ! La guillotine vaincue par les pelotons d’exécution. Ainsi est la France, peuple hyper politique… Merci quand même à ces sanglantes mânes qui s’annihilent mutuellement.