Par Jean Monneret
Ecrivain, docteur en histoire, spécialiste de la guerre d’Algérie.
Allocution du 5 Juillet 2022 au Quai Branly.
Réunis ici en ce jour de deuil pour honorer les victimes du massacre du 5 juillet 1962 à Oran et toutes celles du conflit algérien, je me permets de rappeler quelques faits qui illustrent les progrès accomplis, nos progrès.
1°) : Nous avons eu beaucoup de difficultés initialement à faire simplement reconnaître ces drames et nos victimes. Le contexte était très défavorable. La vision anticoloniale la plus sommaire commençait à se généraliser et les victimes de cette guerre dite de « libération » par certains mais qui était pour nous une guerre civile n’étaient tout simplement pas censées exister.
Si elles le sont davantage aujourd’hui c’est parce que nous avons mené pour cela une lutte inflexible et pendant 60 ans.
2°) : L’aide reçue dans ce combat vint pour l’essentiel, et c’est dans l’ordre des choses, des familles des proches de personnes victimes du terrorisme du FLN, des personne enlevées et de personnes toujours portées disparues.
Nous avons également reçu l’aide de personnalités parlementaires et politiques Très parcimonieusement au début, puis plus nettement au fil des ans, localement d’abord puis nationalement ensuite. Nous les remercions toutes, à tout niveau.
Des militaires ont été sensibles à nos épreuves ce qui est également dans l’ordre des choses. On nous permettra de distinguer parmi eux, nos amis, les généraux Maurice Faivre et François Meyer récemment décédés. Tous deux, jadis, s’efforcèrent de sauver leurs compagnons d’armes harkis. Ils ont ainsi à leur échelle, avec leurs moyens, contribué à sauver l’honneur militaire et national. Nous ne les oublierons jamais.
3°) D’entrée, il est apparu que notre combat avait besoin du soutien d’historiens. Là aussi les débuts furent difficiles puis, depuis trois décennies, le cercle de nos amis parmi eux s’est élargi. Ceci fut capital. Certains sont des universitaires prestigieux et ils sont toujours avec nous aujourd’hui, à l’exception hélas, de Daniel Lefeuvre et de Jean-François Mattei dont le souvenir ne nous quitte pas.
4°) Pour finir comment ne pas formuler une crainte : depuis quelques années, l’idéologie dite Woke, décoloniale, (ndlr) largement importée des États-Unis, menace de submerger nos universités et les milieux intellectuels.
Nous ne pourrions que regretter que la discipline Histoire soit « déconstruite » pour alimenter de douteuses démarches politiciennes.
L’Histoire nous a toujours enseigné que pour étudier une période, il faut comprendre avant de juger. Ceux dont je parle jugent, ils ont déjà jugé, bien avant de comprendre quoique ce soit à la colonisation.
Nous sommes bien placés pour savoir que ces méthodes totalitaires conduisent à une vue hémiplégique des choses, ne tenant compte que d’une catégorie de victimes du conflit algérien, celles causées par l’Armée française dans le camp indépendantiste.
Nous savons bien nous, qu’il y eut des victimes dans tous les camps et dans toutes les communautés.
C’est pourquoi nous continuerons à le dire. Aussi longtemps que la liberté de pensée, depuis si longtemps chérie par le peuple français, existera.