Dans mon enfance et mon adolescence, à Bucarest, les responsables des magasins où on vendait du café appartenaient, presque tous, à une sorte de confrérie. Certains les appelaient « les Turcs » pour la seule raison qu’on buvait du « café turc » – celui-là même que les Grecs, par fierté, ont commencé à appeler, après leur libération du joug ottoman, « café grec ». Mais les noms de ces gens finissaient presque toujours en -ian. Leurs parents étaient, certes, venus de Turquie, mais ils étaient Arméniens, réfugiés après l’horreur de 1915. Ceux qui savaient les regardaient avec compassion et sympathie.
En 1977, arrivé en Grèce, je constatai qu’à chaque grande cérémonie où l’Église était représentée, le primat des Grecs était accompagné par le primat de l’Église orthodoxe arménienne, chassé de ses terres par les communistes athées soviétiques. Sa présence était le symbole d’une tragédie et il recevait tous les honneurs, comme un égal, comme un frère de hiérarques grecs.
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