La crise agricole, que nous avons vécue et qui est loin d’avoir trouvé sa conclusion, ne s’analyse pas seulement en termes économiques. Elle est significative d’un malaise qui atteint une société dans ses profondeurs. C’est déjà un sérieux problème que « le secteur primaire » qui nous nourrit soit ramené humainement à un pourcentage de la population toujours plus faible et se trouve dans une situation aussi précaire. Ce n’est pas en termes d’équations technocratiques qu’un tel sujet peut être compris. Lorsqu’il y a quelques années, Michel Houellebecq publiait son romain Sérotonine, il ne craignait pas d’explorer le désarroi et le désespoir de ce monde agricole, désormais tenu en marge des processus dynamiques de la modernité.
Le mythe de la mondialisation
Est-ce à dire qu’il s’agirait d’une exception malheureuse dans un monde en plein essor, conformément à l’idéologie progressiste qui accompagnait, il n’y a pas si longtemps, le mouvement généralisé vers la mondialisation ? Sûrement pas ! Tout d’abord le mythe de la mondialisation est de plus en plus démenti par le choc des civilisations mais aussi sur le terrain des échanges par le retour au local. Comme l’écrit le géographe Christophe Guilluy : « Démondialisation, promotion des circuits courts, priorité des intérêts nationaux, le modèle dominant se vide peu à peu de sa substance. » C’est aussi une des leçons de la crise actuelle, où l’on revient à la notion de souveraineté alimentaire nationale (Les dépossédés, Flammarion, 2022).
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