Atlantico : Philippe C., Shemseddine, Samara… La France est confrontée à sans cesse plus de violences, tant et si bien que d’aucuns n’hésitent plus à employer le mot décivilisation. Celle-ci est parfois dirigée contre nos représentants politiques, en témoigne l’inquiétant récit de l’ancien maire de Saint-Brévin. Comment expliquer la violence déborde ainsi de la sphère privée jusqu’à gagner la sphère politique ? De quoi est-elle le nom ?
Frédéric Rouvillois : À mon sens, la décivilisation – un mot très fort dont le président Macron s’est emparé il y a quelques mois- peut se situer à plusieurs niveaux et avoir des degrés d’intensité variable : les cas de figure que vous citez, et auxquels on pourrait ajouter une liste interminable, se situent au sommet de l’échelle : ils nous montrent ce que la société pourrait devenir si l’affaissement de l’autorité politique et la disparition de toute politesse arrivaient jusqu’à leur terme : auquel cas, nous nous retrouverions dans quelque chose qui ressemblerait à l’ « état de nature » imaginé par Thomas Hobbes, cet enfer où chacun a le sentiment d’avoir tous les droits, y compris, celui de prendre les biens et la vie de ses semblables et de comporter « comme un loup pour l’homme ». Cette barbarie immédiate a toujours existé, mais de façon marginale : le risque, c’est de la voir se développer et pourquoi pas, à terme, se généraliser, comme conséquence de la désaffiliation au groupe social. Dieu merci, nous n’y sommes pas encore : et les sondages successifs qui paraissent sur la question montrent que les Français dans leur immense majorité ont conscience de l’importance de la politesse : du fait que le savoir-vivre est une condition essentielle du « vivre ensemble », vivre ensemble sans s’injurier, puis se frapper, puis s’égorger, comme dans les cas cités plus haut. La dernière question que vous posiez était de savoir « de quoi cette violence est le nom » : la réponse, c’est qu’elle sera le nom de notre destin si nous ne réagissons pas vigoureusement.