Par Gérard Leclerc
Dans le numéro de France catholique n°3854, notre ami Gérard Leclerc aborde une facette particulièrement intéressante de la culture de déconstruction qui ne peut laisser les royalistes insensibles. Qu’on en juge...
Faut-il prendre au sérieux ce qu’on appelle néoféminisme ? Le féminisme, on savait à peu près en quoi il consistait. Il y avait un livre de référence pour cela : Le deuxième sexe, de Simone de Beauvoir. Il poursuit d’ailleurs sa carrière, entouré d’une aura d’admiration, en dépit des difficultés que son étude ne manque pas de susciter. Une seule de ses propositions suffirait à provoquer la discussion : « Peut-être le mythe de la femme s’éteindra-t-il un jour : plus les femmes s’affirment comme des êtres humains, plus la merveilleuse qualité de l’autre meurt en elle ». Ainsi il n’y aurait plus, à proprement parler, d’essence de la femme, mais une ouverture inconditionnelle à la liberté qui permettrait une émancipation définitive.
Une opposition s’est très vite déclarée contre ce refus de la différence, qui a abouti à une exaltation telle de la féminité que celle-ci s’est refermée sur elle-même, au point de provoquer l’incommunicabilité entre les sexes. Mais l’évolution s’est poursuivie dans un sens de plus en plus radical. Le néoféminisme, qui s’inscrit d’ailleurs dans le mouvement wokiste de déconstruction généralisée, prône dorénavant la chasse au masculin, l’homme étant défini comme un prédateur dans la continuité d’une histoire où il aurait toujours été l’exploiteur des femmes. Sans doute, les militantes peuvent-elles dénoncer des faits scandaleux, voire insupportables comme le « féminicide », c’est-à-dire le meurtre des épouses par leurs conjoints. Par exemple, Ouest-France nous apprend qu’en février de cette année, au moins 14 femmes ont été tuées par leur mari. On remarque, dans les cas étudiés par le quotidien, un drame qui touchait deux personnes, avec le suicide consécutif de celui qui a donné la mort. Avant toute appréciation sommaire de ce type de situation, il y aurait donc lieu de réfléchir aux causes entretenues d’une mésentente qui devient invivable. Il est beaucoup plus facile de s’ériger en procureur, développant un réquisitoire unilatéral. Ainsi que l’écrit Alain Finkielkraut : « Quand on dit ‘les femmes’ aujourd’hui, c’est pour mieux faire entendre une seule et même doléance à toutes les époques et sous toutes les mêmes latitudes. L’éternel féminin fait place à l’éternelle exploitée, à la dominée interchangeable qui n’échappe nulle part à l’ordre patriarcal et qui se bat pour son émancipation » (Le Pêcheur de perles, Gallimard). Comment envisager alors l’union de l’homme et de la femme ? Elle est pour le moins problématique, dès lors que, dans la même logique déconstructive, l’amour lui-même constitue une dangereuse illusion, un piège redoutable pour la femme. Une abondante production s’acharne, en ce moment, à mettre sur le grill le concept d’emprise, qui ressortirait exclusivement du domaine et du vocabulaire de la psychiatrie. Comme l’écrit Noémie Halioua dans un essai à contre-courant : « Pour les pourfendeuses de l’amour, il n’y a pas de lieu qui mérite d’être protégé des guerres politiques, pas de terrain qui mérite d’être sanctuarisé. Le moindre battement de cœur est un objet de lutte collective et la moindre aspérité individuelle devient suspecte » (La Terreur jusque sous nos draps, Plon).
Inutile alors de recourir aux richesses infinies de la littérature, où les tourments et les joies de l’amour sont perçus dans toutes leurs nuances. Il n’y a plus qu’un discours brutal qui prolonge à l’infini la déclaration de guerre au masculin. Heureusement, à l’encontre d’un tel courant, à bien des égards torrentiel, se lèvent des femmes qui osent contredire le discours de la haine, par un recours à leur culture profonde et à leur expérience personnelle d’épouse et de mère, qui savent que l’avenir de notre pays et de l’humanité entière est commandé par l’alliance sans cesse renouvelée de l’homme et de la femme.