La doctrine néo-royaliste est hiérarchique
Par Philippe Germain
Au moment même où la République avance lamentablement vers une cinquième fausse couche, il est évident que la doctrine néo-royaliste est adaptée aux besoins de l’Outre-Mer français. C’est une doctrine qui tisse un lien social entre Autorité en haut et Libertés en bas.
Une doctrine synthétisée dès 1899 par Charles Maurras, dans son court texte fondateur Dictateur et roi. Il y formalise ce que serait le régime royal « normal », car préalablement un programme transitoire s’imposera pour résoudre la crise qui divise la France. D’où la notion temporaire de « roi-dictateur », assez proche d’ailleurs d’un président de la Ve république libéré du système parlementaire des partis. Pour écrire Dictateur et roi, Maurras s’appuie sur les traditions et constitutions de l’ancienne monarchie française mais aussi sur les discours et textes du comte de Chambord Henri V, du comte de Paris Philippe VII et les manifestes du duc d’Orléans Philippe VIII sur l’Armée et la fortune anonyme. Ce qui lui permet d’adapter le programme des « ultra » (1810-1820) et la doctrine légitimiste (1830-1870).
Le régime royal normal, ou monarchie populaire (expression du Manuel royaliste préfacé en 1903 par Maurras, reprise par les étudiants d’AF en 1968), ou monarchie fédérale (expression de L’Étang de Berre de 1915, reprise par la « Génération Maurras » en 1989), se place sous le signe de l’Ordre. En « Bas » les familles françaises seraient libres de s’organiser comme il leur plairait. Les communes et les régions obtiendraient l’autonomie, en tout ce qui touche leurs affaires particulières, sans engager l’intérêt national. De grands conseils provinciaux concourraient à la renaissance de la patrie, sous le contrôle éloigné de l’État. En « Haut » l’Autorité royale prendrait conseil auprès des grands corps de l’État (chambres de commerce, corporations, Société des agriculteurs de France, etc.), témoins de la production de la France. Une architecture sociale que dans son texte majeur La cathédrale effondrée de 1962, Pierre Debray présentera semblable à une cathédrale dont la clé de voûte en Haut, le faîte, est le roi tandis qu’en Bas les murs sont soutenus par les arcs-boutants que sont l’Église, l’Armée, la Justice et l’Administration.
C’est à ce bâti qu’il nomme lui aussi « grande cathédrale hiérarchisée du dispositif maurrassien » que l’intellectuel cosmopolite Bernard-Henri Lévy s’intéresse en 1980 dans son essai sur L’idéologie française. À ce mode de constitution de la société qui résorbe le déchirement entre le Haut et le Bas qu’entretient le lien social démocratique. Maurras laisse le Haut et le Bas à leur place mais meuble leur intervalle d’une foule de prudents relais, d’une procession de patients et réguliers degrés qui, sans heurt, sans risque d’hiatus combleront l’écart qui les tient séparés, un espace dilaté, commode à gravir, plein de corps intermédiaires comme la paroisse de Charles Péguy et l’atelier de Pierre-Joseph Proudhon, où souffler dans l’ascension et dont on puisse parcourir sans peine la parfaite hiérarchie.
Ayant bien compris la formule de Maurras, BHL la nomme « hiérarchique ». La formule des communautés étagées, en vue d’un espace pacifié, désormais sans turbulence dans lequel chaque grain de sociabilité est parfaitement représenté. Cette représentation pleine, spontanée, pertinente est l’antithèse de la démocratie, ce régime qui représente mal, où le représentant ne représente que lui-même, où l’homme réel, en revanche, n’est jamais représenté, exprimé. C’est BHL qui le dit…
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