Duc d’Orléans et Jeunesse royaliste
Connaître l’Histoire de France c’est bien. L’utiliser comme laboratoire expérimental pour faire face aux enjeux de 2024 c’est mieux. Mais maîtriser la mémoire du royalisme depuis la mort du comte de Chambord en 1883 c’est indispensable à tout nationaliste intégral devant recruter des sympathisants patriotes.
Le royalisme s’était peu à peu réduit à lui-même. Il disposait encore d’une presse moins puissante mais combattive. En revanche, si sa force parlementaire décline, ses liens avec le catholicisme social sont très forts. Avec la mort du chef de la Maison de France Philippe VII, arrive Philippe VIII, le duc d’Orléans, et la « Jeunesse royaliste ».
Une lettre du duc d’Orléans à un journaliste du Gaulois (Jules Cornély, le 27 décembre 1896), énonce que : « la fonction du Roi est de protéger les petits contre les grands et de faire que dans notre généreux pays où surabondent tant de mérites désintéressés, l’argent ne soit pas tout ». Ainsi, le nouveau chef de la Maison de France prouve-t-il son attachement à la tradition capétienne de lutte contre les féodalités, la plus dangereuse étant devenue celle de l’argent. Le Prince s’était rendu populaire quand, arrivé à l’âge de la conscription en 1890, il se rendit à Paris pour s’y faire enrôler mais fut arrêté et détenu plusieurs semaines à Clairvaux. Le prince « Gamelle » avait complètement accompli la fusion dans son entourage, anciens orléanistes et légitimistes se mêlaient dans ses Conseils et son Service d’Honneur ; secouant la tutelle des conseillers de son père, tous imbus de libéralisme parlementaire, il leur préfère un avocat de la « Jeunesse royaliste », André Buffet, qu’il place, en janvier 1898, à la tête de son Bureau politique.
« Prince de la jeunesse », le duc d’Orléans avait su conquérir les éléments les plus dynamiques du mouvement monarchiste. La « Jeunesse royaliste » a préfiguré « l’Action française » : par son organisation qui réunit 30 000 hommes, regroupés en 18 groupes parisiens et 34 provinciaux, avec des « groupes ouvriers », d’ailleurs souvent formés d’artisans, par ses slogans comme « par tous les moyens », par l’emploi de la démagogie nationaliste et antisémite, par sa recherche du « coup de force ». Les « jeunes royalistes » refusent aussi de se déguiser en conservateurs et, aux élections municipales de 1896, à Bordeaux, radicaux-socialistes et royalistes s’unissent victorieusement contre les républicains modérés.
Le développement de l’Affaire Dreyfus donne bon espoir de prendre le pouvoir en utilisant les troupes de choc nationalistes. Le 22 février 1899, à San Remo, le Prince lance sa fameuse formule sur la fortune anonyme et vagabonde, assimilée d’ailleurs à la « puissance juive », et affirme « je suis formellement décidé à m’appuyer sur l’armée et sur le peuple ». Hélas ! Le 29 février c’était la lamentable équipée de Déroulède devant la caserne de Reuilly et l’échec de ce nouvel « Appel au soldat ». Le gouvernement de Waldeck-Rousseau pratique la « défense républicaine » (déjà ! les démocrates n’ont donc pas attendu l’antifascisme…) en faisant arrêter, en août, une trentaine de royalistes, nationalistes et antisémites, amalgamant au cours d’un vaste procès devant le Sénat, réuni en Haute-Cour, ceux qui n’avaient pas su coordonner leur action ou même se combattaient âprement. André Buffet et Eugène de Lur-Saluces (ce dernier d’abord contumace), demeurent en exil jusqu’en 1905 ; c’est auprès d’eux que Charles Maurras commence son « Enquête sur la Monarchie » après avoir élaboré son texte doctrinal Dictateur et roi.