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L’éditorial de François Marcilhac

La démocratie à bout de souffle

Les bonnes nouvelles sont suffisamment rares pour que nous les boudions. Les Français désavouent le régime des partis et le pays légal a peur. Certes, on ne sait jamais avec lui s’il est sincèrement inquiet chaque fois que s’annonce une « crise de la démocratie », mais elle est bien là. Et s’il y a un responsable, ce sont bien les partis eux-mêmes, c’est bien l’oligarchie au pouvoir, et des médias de grands chemins serviles dont, il est vrai, le pays réel peut désormais s’affranchir, en allant s’informer « ailleurs ».

Les arroseurs arrosés

Oui, le pays légal a peut-être vraiment peur, lui qui, depuis des décennies, cherche à neutraliser la parole des Français et y a réussi au plan institutionnel par la voie d’une forfaiture qu’ils ne lui ont toujours pas pardonné — leur « non » de 2005 volé en 2008. Mais c’est au plus profond d’eux-mêmes que les Français se détachent désormais d’un régime politique dont l’imposture éclate au grand jour. Ainsi, dans son rapport annuel sur l’état de la France, dévoilé mercredi 23 octobre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) — officiellement la troisième assemblée de France —, on peut lire que 15% de nos compatriotes déclarent qu’« ils ne seraient pas prêts à défendre la démocratie si elle était en danger », que « 23% ne sont pas convaincus qu’il s’agisse du meilleur système politique existant » et que pour 51% « seul un pouvoir fort » peut garantir l’ordre et la sécurité. Terrible aveu : ainsi, pour la majorité des Français, la démocratie ne serait pas un « pouvoir fort », à savoir un pouvoir qui, dans le cadre de l’État de droit, c’est-à-dire tout simplement des lois votées, lesquelles peuvent être modifiées, perfectionnées, a la capacité de se faire respecter. Quand on sait que la première justification du pouvoir est d’assurer la sécurité des citoyens ! Mais il faut poursuivre la lecture de ce sondage « Ipsos pour le CESE », car il permet de voir la profondeur du mal, si tant est qu’on puisse appeler un mal la prise de conscience par les Français du mensonge dans lequel ils sont encore entretenus par des élites qui finiront bientôt par payer leur arrogance. Les arroseurs arrosés. Plus des trois quarts des Français (76%) considèrent que « tous les hommes et femmes politiques sont déconnectés des réalités des citoyens ». C’est pourquoi 62% d’entre eux jugent que voter n’est pas utile.

Une jeunesse de plus en plus lucide

Ce qui est également encourageant, c’est que les plus lucides sur la démocratie se trouvent parmi les jeunes et les personnes défavorisées. Parmi les 25% des Français les moins attachés à la démocratie, ils sont largement sur-représentés : 32% d’entre eux ont moins de 35 ans, contre 25% dans la population générale. Ils sont également plus nombreux à avoir un pouvoir d’achat limité (61% contre 45%). Qu’est-ce à dire ? Que la démocratie paraisse de plus en plus aux yeux du pays réel pour ce qu’elle est : un régime de privilégiés, au service des nantis, notamment de ceux des métropoles, qui sont en osmose avec le pays légal tout simplement parce qu’ils sont aussi déconnectés de la réalité que les membres de celui-ci, et cela pour une simple et unique raison : le pays légal est issu de cette frange de la population qui a fait sécession avec le reste de ses compatriotes.

Une hirondelle ne fait pas le printemps : c’est pourquoi il est intéressant de noter que ce premier sondage est corroboré par un second, Odoxa-Backbone pour Le Figaro, selon lequel 82% des Français ont désormais une mauvaise image des partis, les appareils partisans étant jugés ni honnêtes (90%) ni crédibles (85%) par les électeurs. Des chiffres qui dépassent même le taux d’impopularité de Macron : 78%. Qu’est-ce à dire là encore ? Sinon que la République est déconsidérée en tant que telle et que, de plus en plus légitimement désabusés, les Français ne voient de recours ni dans l’exécutif ni dans le Parlement. « Les citoyens ne croient plus en nous », soufflait au Figaro du 24 octobre l’ancien député macroniste Patrick Vignal, battu lors des élections législatives de juin dernier, la dissolution ayant été perçue comme un caprice politique au moment où le pays avait un besoin urgent d’être redressé. « C’est une longue évolution qui s’est accélérée avec des spasmes, ce qu’on a vu avec les gilets jaunes, notamment », analysait le sociologue Michel Wieviorka sur RMC mercredi 23 octobre. Que sont en effet devenus les fameux cahiers de doléances ? La voix du pays réel jetée aux oubliettes des préfectures : l’arrogance du pays légal.

Un signe d’espoir

Mais il faut revenir au rapport du CESE, car il permet de tirer un autre enseignement : « Méfiants vis-à-vis des actions politiques et syndicales, les Français privilégient l’engagement associatif. Un peu plus d’un Français sur trois déclare être engagé auprès d’une association (35% au global, 43% parmi les retraités). Sans être marginal, l’engagement auprès de syndicats et organisations professionnelles est globalement plus limité (12%) ». Ainsi, les Français qui tiennent à s’engager se détournent non seulement des partis politiques mais aussi de syndicats de plus en plus politiciens — comme l’ont montré, en 2022, les appels à voter Macron, c’est-à-dire pour la retraite à 64 ans, de la CFDT et de la CGT, les deux syndicats récidivant au second tour des dernières législatives en appelant à voter Borne ou Darmanin au nom du « Front républicain », qui n’est que la traduction électorale de l’existence d’un pays légal « profond », solidaire, aux dépens des Français et de la sincérité politique. Notons aussi que c’est en zone rurale, et non dans les métropoles, où l’individualisme sévit davantage que partout ailleurs, que la solidarité est la plus forte : ainsi, parmi les Français engagés dans les différents types d’organisation, 48% le sont en zone rurale contre 34% en agglomération parisienne. Et le CESE de commenter : « Ces chiffres cadrent avec le regard que les citoyens portent sur l’utilité des différentes formes d’engagement dans la société ». Ainsi, « une très large majorité de Français juge utile de faire du bénévolat dans une association (88%, voire 56% très utile) ».

Le pays réel privilégie donc comme efficace l’action auprès d’associations, le plus souvent locales, au sein desquelles il peut concrètement, réellement, agir pour le bien commun. N’est-ce pas là un désaveu majeur pour une démocratie à bout de souffle qui ne fait plus illusion et son pays légal profond dont le mépris pour les Français a fini par se retourner contre lui ? N’est-ce pas surtout un signe d’espoir ? Les Français veulent reprendre le contrôle de leur destinée. Ce divorce avec les partis était le même à la fin de la IVe République : ce qui permit à De Gaulle de faire son coup d’État et d’embrayer sur une nouvelle République, au nom de ce qu’il considérait être sa propre légitimité historique. Ce fut en vain. La Ve, qui n’a pas tenu ses promesses d’indépendance et d’arbitrage effectif, est morte, aujourd’hui, du moins dans le cœur des Français. À bout de souffle, elle montre son incapacité à répondre aux graves questions dont dépend la survie même du pays : l’immigration, la sécurité, la souveraineté. La république invoque de faux grands principes pour refuser de résoudre les problèmes, tout simplement parce que ce sont ses principes, son idéologie permissive, mondialiste, impitoyable envers les faibles, qui provoquent la dissolution de notre société et la disparition de notre indépendance. Le Prince l’a dit : « La question de la république est désormais posée »*.

Fort heureusement, l’histoire ne nous désigne plus de nouvel homme providentiel, toujours décevant. Elle nous montre une dynastie millénaire, toujours bien vivante, sous l’aile de laquelle les Français pourront recouvrer l’exercice de leurs libertés concrètes.

*Voir son récent entretien en deux parties avec Paul-Marie Coûteaux sur TVLibertés.