Par Gérard Leclerc
La victoire éclatante de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine ne saurait être ramenée aux dimensions d’une simple alternance de majorité, telle qu’elle se produit régulièrement dans les démocraties occidentales. Elle ne se comprend que sur fond de crise de civilisation, à l’heure où nos sociétés se trouvent bouleversées du fait de l’affaiblissement de leurs ancrages historiques. Sans doute y a-t-il plusieurs dimensions à envisager dans le phénomène Trump, celle qui concerne l’économie n’étant nullement secondaire. C’est le Parti républicain, à l’encontre de la tradition américaine, qui se trouve aujourd’hui investi par ce qu’on appelle les couches populaires, à l’image de ce qui se passe chez nous avec le Rassemblement national. Mais ce qui s’est exprimé aussi au tréfonds de la sensibilité de tout un peuple, c’est le refus d’une désappropriation de sa culture profonde. Et cela en raison même d’un affaissement des convictions religieuses.
C’est alors que l’on ressent les effets les plus nihilistes d’une sortie de la religion que s’affirment les exigences blessées de la conscience et les protestations de la vie sociale, celles des pères et des mères de famille. Le Parti démocrate s’est trouvé, ces dernières années, à la remorque de la mouvance woke, qui gangrène une large part de l’université américaine. En incarnant cette tendance, sa candidate, Kamala Harris, a contribué à donner à la campagne électorale ses aspects civilisationnels. D’où cette réaction du pays profond, revendiquant son identité morale.
Sans doute, cette dimension se trouve-t-elle incomprise de la plus grande partie de nos médias, ce qui entraîne la surprise inquiète de l’opinion. Les réquisitoires qui tombent des tribunes de nos journaux dénoncent à l’envi « la pénombre et le chaos » qui s’annoncent, comme si Donald Trump représentait la pire menace pour son pays et le monde entier. Sans doute la personnalité du quarante-septième président des États-Unis offre-t-elle des aspects désarmants. Mais c’est le caractère impétueux et imprévisible du personnage qui a permis de bouleverser la donne, en permettant l’expression, jusqu’alors interdite, des réactions d’un pays aux antipodes de l’idéologie dominante.
Il n’est guère possible aujourd’hui de prévoir ce qu’il adviendra, aussi bien dans l’ordre de la politique intérieure que dans l’ordre de la conduite des affaires mondiales, des intentions proclamées du nouveau président. Il faut espérer qu’elles aillent dans le sens de la paix, à l’encontre des menaces d’embrasement général. Il faut espérer aussi qu’elles aillent dans le sens d’une clarification des objectifs de rénovation de l’économie et des structures sociales. De ce point de vue, l’importance de la présence catholique, dont témoigne le vice-président J.D. Vance constitue un des gages les plus précieux.