Triste jour de décembre 1924, le marquis de La Tour du Pin part pour sa dernière demeure, Charles Maurras ne peut assister à ses funérailles. Nous vous proposons aujourd’hui de lire les mots qu’il a alors écrits pour honorer sa mémoire.
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par Adègne Nova
Commençons par les propos de Charles Maurras dans l’Action française n°353 du 18 décembre 1924 :
« Ce n’est pas sans un profond chagrin que je me vois dans l’impossibilité d’assister aux obsèques du marquis de La Tour du pin qui ont lieu dans les ruines d’Arrancy. Ce mort illustre, à qui je n’ai même pu adresser l’hommage de mes souvenirs, est de ceux qui sont mieux honorés par l’acte que par la parole : c’est en continuant à servir ce qu’ils ont servi que l’on perpétue leur mémoire et qu’on suit leurs conseils. Un jour ou l’autre il sera possible de mettre à profit quelque répit de l’action publique pour recueillir nos sentiments et exprimer notre gratitude.
Qu’il suffise de dire que la dette intellectuelle et morale est immense pour les hommes de la génération dont je suis. La Tour du Pin ajoutait à Le Play trois éléments que le fondateur de l’École de la paix sociale avait peu connus : l’esprit pratique du soldat, l’esprit critique du philosophe (appliqué au libéralisme et à la démocratie) et le sens national du chef de famille initié à la notion de l’État. Ceux qui ont lu les Jalons de route savent comme ces trois genres de clarté ont illuminé nos hésitations et comme le faisceau des réorganisations nationales y apparut lié et fort.
Le nom de La Tour du Pin brillait pour nous à l’entrée de toutes les avenues de la véritable science, de la science expérimentale des sociétés. En 1892, quand le problème de la décentralisation nous occupait indépendamment de tous les autres, c’est à lui que nous demandions les premières informations d’ensemble. Et, sept années plus tard, pour le problème de la vie nationale et de la constitution politique, c’est encore à lui qu’une sorte d’instinct vital nous adressa. Depuis, l’Action française une fois fondée, il se fit un véritable accord spontané entre les démarches que nous entreprenions et la direction générale de sa pensée.
Elle anticipait sur les âges. Un jour, à la Chambre des députés, l’un des plus fermes amis de La Tour du Pin, Monsieur de Gailhard-Bancel, ayant esquissé quelques traits de son programme de réconciliation et de coopération sociale, il fut interrompu par Millerand, par Millerand en personne qui s’écriait : ‘Oui, mais cela, c’est l’avenir…’.
La plupart des idées de Monsieur Millerand appartenaient déjà au passé. Ce jour-là, il faisait preuve de bon sens en avouant, du moins, de quel côté portait le courant des nécessités du monde. Mais quels pieds lents et lourds il mettait au service de cette vérité ! Cette lenteur et timidité d’esprit propre à nos politiciens les plus éclairés et les mieux disposés fait comprendre le pitoyable état de nos institutions politiques et sociales. L’esprit qui conçoit et construit n’est ni mort ni mourant en France. Mais il est servi par des politiciens terriblement bas de plafond !
Cette observation générale pourrait être vérifiée jusque chez quelques-uns des élèves de Monsieur de La Tour du Pin, ceux qui crurent pouvoir distraire de son enseignement une part, la part sociale et ouvrière, en y surajoutant un système politique démocratique et républicain. Les malheureux ne s’apercevaient pas qu’ils rétablissaient d’un côté tout le mal qu’ils essayaient de guérir de l’autre. Il faudrait du loisir pour creuser ces graves sujets. Le temps n’y prête guère. Il ne nous est permis que d’associer du travail à de la douleur. »
Aujourd’hui, les hommes politiques ne sont plus suffisamment éduqués et instruits – et j’ai envie d’ajouter « construits » pour renvoyer à une idéologie qui d’Outre-Atlantique nous atteint et abîme jusqu’à la moelle la substance qui nous fait français –pour être seulement qualifiés de « bas de plafond ». Aujourd’hui, ils sont capables de vendre père et mère – ou mère et mère ou père et père pour les plus atteints idéologiquement, et pourquoi pas iel et éponge ou nuage et liquide vaisselle… –, et plus véritablement France et culture, tradition et territoires, pour demeurer en poste… coûte que coûte !
Vaincus dans les urnes, honnis par leurs pairs, abhorrés dans la rue, ils demeurent en place, changeant seulement de siège dans les grands moments de remaniement, de recomposition… pour toujours plus décomposer nos vies.
La plupart des idées de Millerand appartenaient au passé, certes, mais nos politiques actuels, eux, effacent notre histoire pour survivre au présent sans penser un instant à l’avenir qui, de toute façon, dans leur esprit, ne concerne que les mois et quelques années à venir.
La vie politique est à ce point gâtée, et j’emploie ce verbe sciemment pour tous ses sens, qu’une énième nomination, une élection, inattendue ou préparée, ne saurait apporter une quelconque amélioration à notre pays. C’est un changement de régime qui sied à la situation catastrophique que nous subissons depuis… les Lumières. C’est un changement radical, et qui ne peut se faire « dans la dentelle », qui pourra nous rendre notre âme !
Tout simplement…
(Illustration : « Seul dans la tempête » par NC)