par Stéphane Blanchonnet
Une fois n’est pas coutume, je vais parler cinéma. Je ne connais pas Emmanuel Courcol et une brève recherche en ligne sur sa vie et son œuvre me conduit à penser qu’il ne serait pas forcément ravi de découvrir un éloge de son travail de réalisateur chez nous.
Certes, il est un homme enraciné comme en témoigne son film Au nom de la terre (2019), qui est un hommage à son père agriculteur, mais il est aussi artiste engagé à gauche comme en témoigne un autre de ses films, Welcome (2009), plaidoyer pro-migrants qui sera d’ailleurs instrumentalisé politiquement dans le cadre des tentatives législatives de la gauche pour dépénaliser l’aide à l’immigration légale.
Malgré cela, j’avais envie de parler de son dernier film, En fanfare, qui a connu un incontestable succès populaire et qui ne coche – par miracle – aucune des cases de la bien-pensance régnant sur la quasi-totalité de la production cinématographique française (y compris parfois celle de notre réalisateur) : promotion des minorités visibles, stigmatisation du Français moyen, humanitarisme naïf, progressisme obligatoire.
Le film, sorti en 2024, narre avec humour, sensibilité et intelligence les retrouvailles entre deux frères séparés par leur adoption respective, l’un dans un milieu cultivé et privilégié, l’autre dans la France périphérique chère à Christophe Guilly, à l’occasion de la leucémie foudroyante qui frappe l’un des deux et de la nécessité dans laquelle il va se trouver de faire appel à l’autre pour une greffe de moelle osseuse. L’un est un célèbre chef d’orchestre, exerçant ses talents sur tous les continents, l’autre un modeste employé dans une cantine scolaire mais lui aussi passionné de musique, collectionneur de vinyles, et surtout musicien dans une fanfare communale. La comédie qui naît de ce scénario est légère, sympathique, mais à cause du tragique, introduit par la maladie, peut aussi révéler de temps en temps du drame. La dimension sociale est également présente avec un arrière-plan occupé par la fermeture d’une usine. Etonnamment (je pense toujours à ce qui peut nous séparer du réalisateur), tout est bon à prendre dans ce film : l’éloge de l’exigence en art, en musique en particulier, la valorisation du travail – du mérite –, la défense du petit peuple des gilets jaunes, sans condescendance ni caricature, la peinture des méfaits de la mondialisation, la valorisation de la coopération entre les classes à travers la collaboration des deux frères au sauvetage de l’usine. De quoi nous convaincre que le désespoir en art, comme en politique, est une sottise absolue !